Siga ou le pari de faire fléchir les géants de l’agro-industrie

On ne compte plus le nombre d’applications qui prétendent réformer l’industrie agroalimentaire par un simple coup de scan à la méthodologie incertaine. Face à ce constat, la plateforme Siga élabore son propre indice d’évaluation de la transformation des produits, une première en France qui pourrait bien transformer les pratiques du secteur.

Le consommateur n’a jamais été aussi armé pour évaluer la qualité des produits alimentaires qu’il achète. Des applications comme Yuka, Open Food Facts et Scan Eat aux bandeaux nutri-scores estampillés sur les emballages, le règne du consom’acteur semble arrivé. Pourtant, la majorité de ces systèmes de notation se limite à une analyse nutritionnelle des produits. Un problème selon Aris Christodoulou, cofondateur de Siga, une application qui se distingue par l’évaluation du degré de transformation des produits scannés. « Les applications évaluent traditionnellement la qualité des aliments par leur apport nutritionnel et donc par leur taux de gras, de sucre, de sel… Or on s’est rendu compte que c’était une approche réductionniste car elle ne prenait pas en compte les degrés de transformation des produits ». Autrement dit, les analyses que proposent le nutri-score et diverses applications n’offrent qu’une information partielle du produit, négligeant les méthodes d’ultra-transformation qui sont aujourd’hui légion dans l’industrie alimentaire. 

« Une pomme n’a absolument pas le même potentiel sur la santé selon qu’elle est dure, broyée ou en jus »

Selon Aris Christodoulou, prétendre évaluer la qualité d’un produit sans prendre en compte sa transformation est une aberration scientifique. À l’heure où les industriels pratiquent le fractionnement des aliments, c’est-à-dire l’isolement des ingrédients pour en modifier le goût, la couleur ou l’arôme, la nécessité d’évaluer la transformation des produits relève de l’urgence sanitaire selon le cofondateur de Siga. « Pour bien comprendre le problème, on parle de l’effet matrice, à savoir le moment où la structure d’un produit est transformée et affecte durablement sa composition et ses apports. Par exemple, une pomme n’a absolument pas le même potentiel sur la santé selon qu’elle est dure, broyée ou en jus. Le fait de la broyer est nettement moins bénéfique pour le corps et participe à une assimilation plus rapide de sucres qui étaient initialement protecteurs ». Une perte en apports qui se conjugue à des effets délétères pour la santé : les aliments ultra-transformés seraient à l’origine de sur-risques de cancers, d’obésité, de diabète et de maladies chroniques.

Des partenaires comme Franprix, Biocoop et Michel et Augustin

Pour obtenir une expertise en matière de transformation et accompagner les distributeurs, Siga a donc développé ses propres méthodes d’évaluation. « Notre plateforme dispose de son propre indice et de son propre arbre de décision, lesquels sont reconnus scientifiquement et épousent les normes européennes », précise Aris Christodoulou. Or, en mettant au point ses propres indicateurs, Siga a su se distinguer de ses concurrents qui puisent leurs notations dans des banques d’informations ouvertes comme Open Food Fact. « Avec Biocoop et Franprix par exemple, on utilise notre méthodologie pour apprécier la qualité de leurs produits. On a des algorithmes qui évaluent les produits et les comparent au reste du marché. On travaille en aval et en amont de leurs chaînes de production pour que ces derniers puissent retirer leurs produits trop transformés déjà en vente et reformulent les recettes pour ceux qui sont en cours d’élaboration ».

Une stratégie d’accompagnement plutôt que de stigmatisation

Là où certaines applications de notation ont bousculé des gammes entières de produits et donné des sueurs froides aux distributeurs, Siga fait le choix de travailler directement avec ces derniers en privilégiant une politique d’accompagnement. « Selon nous, être anxiogène et culpabilisant est contre-productif pour le consommateur. Notre souhait est d’être pédagogique et intuitif » précise Aris Christodoulou. Il faut dire que le modèle économique de cette petite start-up repose sur le conseil et l’accompagnement aux entreprises. « Grâce à notre indice reconnu par de nombreuses études scientifiques, on présente aux enseignes des évaluations détaillées des ingrédients et des pistes d’amélioration ». Là où des applications comme Yuka proposent une version payante pour se rémunérer, Siga fait le pari de maintenir son application gratuite et de se positionner au milieu de l’échiquier, souhaitant aider tant le consommateur que le distributeur. Un pari qui semble fonctionner : plus de 70 000 utilisateurs utilisent actuellement l’application. Affaire à suivre. 

Romain Salas
Romain Salas
Journaliste. Après une licence de droit à la Sorbonne et un master en médias et communication au CELSA, Romain tombe dans les charmes du journalisme et de l'écriture. Avec un tropisme fort pour l’écologie et la justice sociale, il imprègne dans ses choix éditoriaux un parfum d'engagement à la mesure des urgences de notre temps.

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