Retail éco-responsable : faut-il être moche pour être écolo ?

Longtemps il a semblé que les designers s’imposaient l’austérité et le renoncement au beau lorsqu’il s’agissait de développer des espaces pour des marques bio ou engagées. Depuis quelques années plusieurs talents ont réussi la démonstration qu’éco-responsabilité et esthétisme étaient tout à fait compatibles. Mais est-ce ce à quoi aspirent les clients ?

Toujours plus d’engagements

Ce qui pouvait autrefois être perçu comme un positionnement marketing de niche est devenu aujourd’hui pour la majorité des consommateurs une nécessité. 84 % des Français déclarent en effet être influencés par le caractère responsable d’une marque au moment de leurs achats et 75% d’entre eux trouvent par ailleurs que les marques ne s’engagent pas suffisamment (points de vue économique, social et environnemental confondus)*. Les clients attendent donc de la part des marques des preuves tangibles de leur engagement, mais aussi une cohérence entre le sourcing, les étapes et lieux de fabrication produits, la politique RH et leur retail. Un niveau d’exigence client qui s’élève au fur et à mesure que les initiatives des marques se multiplient, que ce soit dans le luxe (avec une gamme à base de nylon recyclé d’une marque milanaise), la fast-fashion (une enseigne suédoise leader du prêt-à-porter accessible qui propose dans sa boutique de Stockholm de vous tricoter un nouveau vêtement à partir de vieilles pièces que vous n’utilisez plus) ou encore les cosmétiques.

Le papier mâché ne suffit-plus

Papier craft et consort peuvent donc retourner au placard ! Les clients ne sont plus dupes et afficher une éco-responsabilité de façade grâce à un design de magasin et des matériaux aux couleurs faussement naturelles n’est définitivement plus envisageable. Certes l’immersion reste essentielle dans la retail experience et permet de faire vivre et ressentir l’univers de la marque. Mais si cette expérience est perçue comme un décor carton-pâte sans réel ancrage dans l’ADN de la marque, et soutenue par aucune initiative, l’effet boomerang est garanti.  Un retail qui se veut responsable n’en adopte pas seulement la forme, mais aussi le fond. Cela implique de travailler en parallèle de l’immersion, l’expérience de l’usage et de la preuve pour que le magasin soit réellement (et sincèrement) au service des engagements de la marque. Mais que peut donc bien vouloir signifier le Retail eco-responsable ?

Ne le dites pas, faîtes le vivre !

Dès la conception l’éco-responsabilité doit être intégrée au cahier des charges. De cette manière les designers réfléchiront aux matériaux pouvant être sourcés et transformés à proximité du magasin, identifieront les fabricants locaux pour limiter l’empreinte carbone de celui-ci. Penser eco-responsabilité dans le retail design c’est aussi réfléchir aux façons de réduire les interventions sur la coque (peintures, enduits, vernis), le nombre de mobiliers à créer et la quantité de matière nécessaire à chacun d’entre eux. Cela se poursuit également dans la réflexion du zoning, des parcours clients et des principes de vitrines qui devront être pensés pour réduire les dépenses d’énergie. La marque prendra ensuite le relai en souscrivant auprès d’un fournisseur d’énergie verte. La découverte produit peut même être organisée autour de l’impact sur la planète de notre achat. L’empreinte carbone du produit, l’équivalent en emploi local, la distance entre le lieu de fabrication et de vente sont autant de clés d’entrée dans l’offre permettant une approche du commerce plus éco-responsable.

Mais les efforts ne doivent pas se limiter à l’étape de conception, car celle de l’exploitation est génératrice de beaucoup de déchets. La célèbre marque de baskets allemande aux trois bandes a ainsi initié l’année dernière un programme de recyclage de l’ensemble des emballages plastiques de ses boutiques londoniennes pour en faire des chaussures. De même, intégrer la fonction Click & Collect dans les différents points de vente permet de supprimer le dernier kilomètre de livraison, reconnu comme étant le plus polluant. Et si désormais, intégré au sein d’un parcours omni-canal, le magasin n’a plus vocation à absolument tout exposer, il peut adopter des formats plus compacts et donc réduire son empreinte environnementale.

Nul besoin d’être moche pour être écolo, mais malin certainement !* Enquête LSA avec Univers Retail (juin 2020).

Rémi Le Druillenec, co-fondateur et DG de l’agence Héroïne, agence de design spécialisée dans l’expérience client.

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