30/09/2025

Temps de lecture : 3 min

[Tribune] Du déchet à la ressource : structurer les filières du réemploi

Chaque année, des millions de tonnes de matériaux, d’objets et de textiles finissent en incinération ou en enfouissement, alors qu’ils pourraient connaître une seconde vie.

Le réemploi est pourtant l’un des leviers majeurs de l’économie circulaire : il permet de réduire l’extraction de ressources vierges, de prolonger la durée de vie des produits, de limiter la production de déchets et de créer de l’activité locale et non délocalisable.


Des vêtements (professionnels ou grand public) aux matériaux de construction, les initiatives se multiplient pour transformer nos déchets en ressources. Depuis plus de trente ans, ORÉE rassemble entreprises, collectivités, associations et experts pour accompagner cette transition du jetable au durable et structurer les filières du réemploi.

Focus sur le secteur textile

En France, près de 891 000 tonnes de textiles, linge de maison et chaussures neufs ont été mis sur le marché en 2024, soit environ 3,5 milliards d’articles. Seules 289 000 tonnes ont été collectées, ce qui représente un peu moins d’un tiers du gisement, et 206 000 tonnes ont été triées pour réemploi, recyclage ou valorisation[1].

ORÉE s’investit depuis plusieurs années pour transformer ce constat en opportunités en accompagnant les travaux de Refashion en 2024, plus de 1 000 personnes ont participé aux cinq webinaires organisés autour de thématiques comme la lingerie circulaire, les vêtements outdoor ou l’intégration de matières recyclées. ORÉE s’engage également, aux côtés de Refashion, dans le développement d’outils d’éco-conception pour aider les metteurs sur le marché à concevoir des produits durables et faciles à réemployer.

Au-delà du textile grand public, les vêtements professionnels constituent un enjeu majeur. Leur volume, leur rôle stratégique dans certains secteurs, leur diversité et leurs contraintes techniques appellent des solutions spécifiques. Le Club Métiers Économie circulaire & Textiles (CMECT) d’ORÉE explore ainsi les conditions d’intégration de matières recyclées dans ces vêtements souvent logotés et difficiles à réemployer.

Avec le soutien de l’ADEME, ORÉE coordonne également le projet FREPI (Filière de Recyclage des Équipements de Protection Individuelle) qui réunit une vingtaine de structures (donneurs d’ordre, fabricants, industriels, etc.). Après une phase de caractérisation des gisements en 2024, des tests sont engagés en 2025 pour évaluer leur potentiel de recyclabilité et préparer ce qui pourrait devenir demain une filière REP dédiée aux textiles professionnels.[2]

En parallèle, ORÉE accompagne le déploiement de projets soutenus par le Fonds Réemploi Réutilisation, financé par l’éco-organisme Refashion et destiné à l’économie sociale et solidaire pour développer des solutions robustes de seconde vie des textiles. Cela inclut le soutien à l’amorçage de ressourceries, le développement de la réparation-couture ou encore l’industrialisation de lignes de tri pour le réemploi.

À l’échelle européenne, la révision de la Directive-cadre déchets franchit une étape décisive : à partir de 2025, tous les États membres devront instaurer une REP textile, en complément de l’obligation de collecte séparée fixée dès 2018.

Focus sur le secteur du bâtiment

Au-delà du textile, un autre secteur stratégique concentre également de forts enjeux de réemploi : le bâtiment. Celui-ci génère environ 213 millions de tonnes de déchets par an, sur un total de 343 millions de tonnes produites chaque année en France[3]. Depuis 2015, le Club Métiers Déconstruction animé par ORÉE s’attache à structurer cette filière. Ses travaux portent depuis 2024 sur le réemploi avec différents enjeux : modèles économiques, assurance, indicateurs de suivi, mise en œuvre de la REP Produits et Matériaux de Construction du Bâtiment (PMCB), etc. L’objectif est de faire émerger des modèles viables et opérationnels permettant de massifier le réemploi des produits et matériaux.

Le secteur du bâtiment illustre la nécessité d’un changement systémique : il ne s’agit pas seulement de détourner les matériaux de l’élimination, mais de repenser la manière de concevoir, déconstruire et reconstruire. La structuration de cette filière ouvre ainsi la voie à une nouvelle économie circulaire du bâti, qui pourrait devenir un laboratoire d’innovations au service de la transition écologique.

Toutes ces actions convergent : le réemploi n’est pas un geste marginal, mais un levier systémique pour réduire notre empreinte écologique, stimuler l’innovation et créer de l’emploi local. Du textile au bâtiment, en passant par d’autres secteurs stratégiques, il permet de transformer des contraintes en opportunités. Pour relever les défis environnementaux et sociétaux du XXIᵉ siècle, l’enjeu n’est pas seulement de développer des filières solides de réemploi et de recyclage, mais d’inscrire durablement la logique du « du déchet à la ressource » au cœur de nos modèles économiques et de nos politiques publiques.


[1] Refashion, Temps forts et chiffres clés 2024. Disponible sur : https://pro.refashion.fr/fr/temps-forts-et-chiffres-cl%C3%A9s

[2] Partenaires du projet FREPI : ARMOR LUX, BÉTRANCOURT, Bouygues Construction, CEPOVETT Group, COVERGUARD, DMD FRANCE – Vêtements professionnels, Enedis, EPI Services, ESF École du Ski Français, GRDF, Groupe RG, La Poste Groupe, Ministère de l’Intérieur, Mulliez-Flory, Sympatex, Veolia, VINCI, Würth MODYF France.

[3] Ministère de la Transition écologique – Service des données et études statistiques (SDES). Déchets en France [en ligne]. 2022. Disponible sur : https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/dechets

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