L’économie circulaire n’est plus un simple levier de performance environnementale, c’est une stratégie de compétitivité essentielle face aux défis contemporains : volatilité des prix des matières premières, pression réglementaire croissante et attentes toujours plus fortes des parties prenantes. Dans ce contexte, Circul’R, cabinet de conseil en économie circulaire, propose une feuille de route pragmatique pour transformer cette contrainte en un puissant levier de création de valeur et de résilience.
Voici cinq conseils stratégiques, inspirés de l’approche de Circul’R, pour faire de la circularité un moteur de performance.
1. Anticiper et maîtriser les évolutions réglementaires
En France et en Europe, la réglementation autour de l’économie circulaire accélère. Pour les entreprises, l’anticiper est essentiel pour transformer ce qui serait une sanction future, notamment des amendes ou l’interdiction de mise sur le marché, en un avantage compétitif. Le premier conseil de Circul’R est de considérer la réglementation non comme une contrainte, mais comme le calendrier d’une transformation inéluctable.
Au niveau européen, les directives dessinent un nouveau cadre opérationnel. Le règlement ESPR (Ecodesign for Sustainable Products Regulation) exige des produits plus durables et réparables dès leur conception. Le règlement PPWR (Packaging and Packaging Waste Regulation) impose quant à lui des objectifs contraignants de réemploi et d’emballages recyclés. Ces textes, couplés au Passeport Numérique des Produits (Digital Product Passport ou DPP) portant sur la traçabilité, contraignent à une performance circulaire mesurable. Ces dispositions s’inscrivent dans l’ambition globale du Pacte vert Européen et du « Clean Industrial Deal » en cours de discussion.
Au niveau national, la loi AGEC (Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire) a fait du réemploi une priorité stratégique. Elle contraint notamment les filières REP et les entreprises à atteindre des objectifs chiffrés en la matière. En favorisant l’allongement de la durée d’usage (via l’affichage de l’indice de réparabilité et de durabilité futur), la loi AGEC pousse par ailleurs les acteurs à intégrer des procédés de réparation et de reconditionnement. Cela rend indispensable la structuration d’une logistique de retour et le développement de partenariats locaux, générant de nouvelles activités créatrices de valeur.
L’anticipation réglementaire permet ainsi de transformer les coûts de mise en conformité en investissements stratégiques qui sécurisent l’avenir de l’entreprise.
2. Sécuriser l’accès aux ressources face à l’instabilité des marchés
Le modèle linéaire (extraire, fabriquer, jeter) expose dangereusement les entreprises aux risques de rupture d’approvisionnement et à l’extrême volatilité des prix des matières premières. L’accès aux ressources est d’autant plus stratégique que l’Europe cherche à renforcer son autonomie, comme le souligne le Critical Raw Materials Act. Face à ces vulnérabilités, l’économie circulaire est une opportunité de choix.
Circul’R insiste sur la nécessité de réaliser un diagnostic précis des flux de matières pour identifier les risques majeurs liés à la raréfaction et à l’explosion des coûts qui pèsent sur le modèle linéaire. Le premier levier est de privilégier l’approvisionnement circulaire. Intégrer des matières premières secondaires issues du réemploi ou du recyclage permet de réduire les coûts d’achat et de s’affranchir partiellement des cours mondiaux des matières vierges.
Cette dépendance réduite au marché primaire renforce l’autonomie et la résilience opérationnelle de l’entreprise face aux chocs d’approvisionnement et aux pressions spéculatives. En utilisant ses propres gisements ou ceux de partenaires fiables en boucle fermée, l’entreprise transforme une incertitude externe en une source interne de valeur stabilisée.
Sécuriser son approvisionnement grâce à la circularité est donc un levier direct pour maîtriser les coûts de production, gagner en compétitivité prix et en résilience.
3. Repenser les modèles économiques pour une création de valeur multiple
La plus grande force de l’économie circulaire est sa capacité à générer de la valeur sur plusieurs segments du cycle de vie qui étaient auparavant considérés comme des coûts.
Circul’R insiste sur le développement de nouveaux modèles d’affaires circulaires qui déplacent le centre de valeur, le faisant passer de la vente d’un bien à celle d’une fonctionnalité. Les modèles basés sur l’usage, comme la location ou le leasing, illustrent parfaitement cette approche : plutôt que de transférer la propriété du produit, l’entreprise vend le service qu’il rend. Ce changement stratégique crée non seulement un flux de revenus récurrent mais incite aussi l’entreprise à concevoir des produits intrinsèquement plus durables et réparables, puisqu’elle en conserve la propriété et doit gérer leur fin de vie.
Parallèlement, la captation de la valeur résiduelle devient un levier majeur. En créant des services intégrés de réparation, de rénovation ou de reconditionnement, l’entreprise prolonge la durée de vie utile de ses produits. Cette démarche la positionne favorablement sur des marchés secondaires en forte croissance et répond directement à l’attente des consommateurs pour des solutions plus abordables et respectueuses de l’environnement.
En somme, l’économie circulaire transforme l’entreprise d’un simple vendeur de biens à un fournisseur de solutions durables, augmentant ainsi la fidélisation client et la diversification des sources de revenus.
4. Travailler en coalition et créer des synergies inter-filières
Par définition, l’économie circulaire exige de « boucler la boucle », un objectif qui excède souvent les frontières d’une seule entreprise. Circul’R joue un rôle central dans cette dynamique en créant et en pilotant un total de 12 coalitions d’entreprises sur des sujets variés allant de l’industrie à la finance circulaire en passant par la communication.
Un effort particulier est porté sur le réemploi : 7 de ces coalitions sont spécifiquement dédiées au réemploi des emballages (dans les secteurs de la cosmétique, de l’alimentaire, des vins et spiritueux, du e-commerce, entre autres). La raison de ces alliances est pragmatique : le coût de structuration d’une filière de réemploi, incluant l’investissement en logistique de collecte, les plateformes de lavage standardisées ou la R&D, est souvent prohibitif pour un acteur isolé. En s’associant, les entreprises peuvent mutualiser ces infrastructures et ces flux, réduisant ainsi considérablement les risques individuels et accélérant le passage à l’échelle. Ces coalitions permettent concrètement aux membres d’accéder à un écosystème de solutions et de partenaires qui sont indispensables pour concrétiser des projets circulaires complexes.
En rejoignant ces efforts collectifs, les entreprises se dotent des moyens logistiques et financiers nécessaires pour transformer leurs modèles, s’assurant ainsi une place sur les marchés de demain.
5. Mesurer son impact circulaire et communiquer avec transparence
L’économie circulaire apporte des bénéfices sur l’ensemble des limites planétaires (biodiversité, pollution, consommation d’eau, etc.) que les indicateurs traditionnels ne reflètent pas. Circul’R souligne que la mesure fine est essentielle pour piloter la performance et prouver la crédibilité de la démarche. Pour répondre à ce besoin, la coalition « Mesure de la circularité » de Circul’R a développé un référentiel comprenant 21 indicateurs à disposition des entreprises. Cette approche holistique permet de transformer des actions isolées en une stratégie de performance quantifiable.
Parallèlement, pour garantir la crédibilité des messages, la communication doit être rigoureuse. C’est dans cette optique que Circul’R prépare, en collaboration avec l’ADEME, la publication d’un guide de la communication sur l’économie circulaire à paraître en novembre. Ce guide vise à donner aux entreprises les clés pour valoriser leurs efforts de manière juste et transparente, évitant ainsi le risque de greenwashing et renforçant la confiance des consommateurs et des parties prenantes.
Mesurer son impact avec précision et communiquer avec authenticité est donc un levier fondamental pour s’assurer que la circularité est perçue comme un synonyme de performance à long terme.
En conclusion, l’économie circulaire n’est pas un coût supplémentaire ou un simple exercice de réduction de l’impact environnemental. C’est une stratégie de robustesse et de compétitivté qui répond aux impératifs d’un monde fini. Les conseils de Circul’R convergent vers un message : pour gagner en performance, l’entreprise doit passer d’une vision linéaire à une vision systémique, collaborative et résiliente. C’est le prix de l’innovation et de la pérennité dans le nouveau paysage économique mondial.
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Raphaël Masvigner, co-fondateur de Circul’R