14/10/2025

Temps de lecture : 4 min

« L’inclusion rend l’entreprise plus performante, plus créative et plus durable », Anne-Laure Thomas (L’Oréal France)

À la tête de la diversité, de l’équité et de l’inclusion de L’Oréal France, Anne-Laure Thomas défend une conviction forte : la performance d’une entreprise dépend de sa capacité à refléter la société qu’elle sert. Pour elle, la diversité n’est pas une politique RH, mais un levier stratégique, humain et culturel pour transformer durablement le monde du travail.

Dans un monde traversé par des crises climatiques, sociales et identitaires, L’Oréal France place la diversité et l’inclusion au cœur de sa stratégie d’entreprise. Sous l’impulsion d’Anne-Laure Thomas, directrice de la diversité, de l’équité et de l’inclusion de L’Oréal France, le groupe agit sur tous les fronts : handicap, égalité de genre, intergénérationnel, mixité sociale et culturelle.


Mais au-delà des chiffres — plus de 6 % de collaborateurs en situation de handicap, plus de 50% de femmes à des postes clefs en France— c’est une vision qui s’impose : celle d’une entreprise où l’inclusion devient une compétence collective.

Entretien avec une femme convaincue que la diversité est la clé de la résilience économique, écologique et humaine.

The Good : Pourquoi la diversité, l’équité et l’inclusion sont-elles au cœur de la stratégie de L’Oréal ?

Anne-Laure Thomas : La diversité n’est pas une tendance : c’est notre réalité. Chez L’Oréal, nous sommes présents dans plus de 150 pays et nous fabriquons des produits destinés à toutes les beautés du monde. Si nos équipes ne reflètent pas cette diversité, alors nous passons à côté de l’essentiel — comprendre nos consommateurs et innover pour eux.
Nous avons compris très tôt que la diversité est un facteur de performance. Les équipes mixtes, inclusives et représentatives sont plus créatives, prennent de meilleures décisions et s’adaptent plus vite à un monde en mutation.

The Good : Comment se traduit concrètement cette stratégie en France ?

A.-L. T. : Nous avons défini quatre grands axes de travail : le handicap et le bien-être physique et mental, l’équité des genres et l’inclusion des personnes LGBTQIA+, les origines socio-économiques et culturelles et enfin la question de l’âge et des générations. Cela passe d’abord par le recrutement — avec des objectifs clairs de représentation et de parité à tous les niveaux — mais aussi par la sensibilisation de toutes et tous, la formation à tous les niveaux et la communication, pour instaurer une la culture toujours plus inclusive.
Nous formons nos managers et RH à la prévention des biais inconscients, et nous proposons des programmes et animations autour des thématiques du handicap, de l’interculturalité ou encore du genre.

L’inclusion ne se décrète pas. Elle se construit dans les comportements du quotidien, dans les réunions, dans la façon dont on écoute et valorise chaque voix.

The Good : Le groupe est souvent cité comme pionnier sur l’inclusion du handicap. Quels enseignements en tirez-vous ?

A.-L. T. : Cela fait plus de 20 ans que nous travaillons pour favoriser l’inclusion des personnes en situation de handicap, et pourtant nous continuons d’apprendre. En 2024, nous avons atteint dépassé les 6 % de collaborateurs en situation de handicap en France, soit au-delà du seuil légal, mais nous ne nous arrêtons pas là.

L’enjeu, encore aujourd’hui, est de libérer la parole sur le sujet du handicap, qui reste trop souvent tabou et sur lequel il y a, malheureusement, encore énormément de stéréotypes et de préjugés. Pour faire bouger les lignes sur le sujet, les rôles modèles ont une force incroyable. En partageant leur histoire, leur parcours, la manière dont ils ont accepté leur handicap, nos collaboratrices et collaborateurs montrent la voie et prouvent que oui, handicap rime avec performance.

The Good : Comment intégrer la dimension de l’équité dans les politiques de diversité ?

A.-L. T. : L’équité, c’est reconnaître que tout le monde ne part pas du même point de départ.
Pour corriger les inégalités qui préexistent au monde du travail et qui, sans politique pro-active, risquent de se maintenir dans l’entreprise, nous mettons en place des actions concrètes pour favoriser l’équité et garantir à toutes et tous un égal accès aux opportunités : rémunération, promotion, formation pour toutes et tous et à tout âge…

L’équité, c’est un combat qu’on doit mener tout au long de l’année, sans relâche. Nous avons toutes et tous des biais et des stéréotypes inconscients, d’où l’importance de la formation et du feedback permanent.

Par ailleurs, j’en suis convaincue, si on ne mesure pas, on ne voit pas et on ne rend pas visible. La mesure est essentielle pour garantir et évaluer l’efficacité de nos actions, mais aussi pour identifier les angles morts de nos politiques et les axes d’amélioration. Que ce soit avec des KPIs précis que nous suivons tout au long de l’année (taux d’emploi de personnes en situation de handicap, recrutements de jeunes issus des QPV et ZRR, pourcentage de femmes à des postes clefs, taux de formation des +50 ans…) ou avec des baromètres de perception, sur le sexisme par exemple, les données nous servent à piloter nos plans d’action.

The Good : Quels sont selon vous les freins culturels ou organisationnels qui subsistent ?

A.-L. T. : Changer durablement les mentalités et garantir des environnements de travail inclusifs, cela demande un travail du quotidien, sans relâche. Il existe encore beaucoup de tabous, de méconnaissance et des biais et des stéréotypes inconscients, nous en avons toutes. Cela demande de former et reformer sans cesse.

Par ailleurs. Parler de diversité, c’est parler du réel, d’inégalités et parfois d’intime. Cela peut bousculer. D’où le travail essentiel que nous devons mener pour favoriser un climat propice à la libération de la parole.

The Good : Vous dites souvent : “L’inclusion est une aventure collective.” Que signifie cette phrase pour vous ?

A.-L. T. : Cela veut dire que sur ces sujets, il ne peut pas et il ne doit pas y avoir de compétition. Nous devons unir nos forces, entreprises, associations et pouvoirs publics, car l’impact est beaucoup plus grand quand l’action est collective. 

Nous en avons eu la preuve, par exemple, avec l’initiative inter-entreprises #StOpE au sexisme dit « ordinaire » en entreprise. Nous l’avons créée en 2018 avec EY et Accor, elle compte aujourd’hui plus de 300 organisations signataires et, grâce à la mise en commun des ressources, elle a, par exemple, permis de former près de 50 000 personnes à la lutte contre le sexisme ordinaire depuis sa création.

C’est en travaillant ensemble, en partageant les bonnes pratiques et en innovant sans cesse, main dans la main que nous parviendrons à construire des entreprises toujours plus inclusives, plus performantes, plus innovantes et plus responsables, contribuant ainsi à un monde plus juste, plus équitable pour toutes et tous.

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 En chiffres

  • Plus de 6 % de collaboratrices et collaborateurs en situation de handicap
  • Plus de 50% de femmes à des postes clefs en France
  • Plus de 3 000 personnes en situation de vulnérabilité en emploi à temps plein en France grâce au programme d’Achats Inclusifs
  • Près de 30% des collaboratrices et collaborateurs en France de plus de 50 ans

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