08/07/2025

Temps de lecture : 5 min

Comment le village de Saint-Paul-de-Tartas (43) anticipe la crise de l’eau

En Haute-Loire, une petite commune de montagne investit des millions pour sécuriser l’accès à l’eau face aux sécheresses à répétition. Un chantier exemplaire de résilience locale, où chaque goutte compte et chaque habitant est embarqué.

Dans cette petite commune de montagne, au sud-est de la Haute-Loire, à 1200 mètres d’altitude en moyenne, la mairie investit lourdement sur les quatre villages dont elle a la charge afin de préserver la ressource eau « et renforcer la résilience face aux sécheresses », explique Marie-Laure Mugnier, maire de Saint-Paul-de-Tartas.

The Good : Vous avez engagé de gros travaux sur les réseaux d’eau, notamment potable. Quels en sont les objectifs ?

Marie-Laure Mugnier : Ces travaux répondent à des enjeux cruciaux tels réduire les prélèvements sur les ressources naturelles en limitant la consommation et en éliminant les fuites et renforcer la résilience face aux sécheresses, comme celle à laquelle nous avons été confrontés en 2022, grâce à des réseaux fiables. On a toujours considéré qu’il y a de l’eau en Auvergne, mais cela ne sera pas forcément vrai demain…

A l’échelle de notre commune de 215 habitants, le développement durable doit passer par la réduction des fuites d’eau afin d’éviter d’en prélever plus que nécessaire. Or, notre réseau est arrivé en fin de vie, et nous avons des fuites. Il nous faut le rénover pour avoir une bonne performance et éviter le gaspillage. Il est grand temps de s’y mettre mais cela prend du temps. Le temps d’aller chercher des financements, de convaincre nos partenaires de s’engager à nos côtés parce que ce sont des montants assez importants.

Lorsque nous avons commencé en 2020, la performance du réseau était de 40% – 3 litres sur 5 d’eau étaient perdus en fuites ! – et aujourd’hui nous sommes à 60%.

The Good : Étonnamment, vous avez commencé les travaux par les plus petits hameaux qui constituent la commune. Pourquoi ce choix ?

Marie-Laure Mugnier : Nous avons effectivement décidé de commencer par les petits villages et de garder les gros villages pour plus tard. Le coût est très important, car nous avons des villages qui comptent dix habitants. Pour autant, il n’était pas question de les délaisser. Le risque étant de ne plus être en capacité de leur apporter de l’eau potable en cas de sécheresse.

Sur la première tranche, qui a duré de 2021 à 2023, nous avons rénové 11 km de réseau d’eau potable obsolètes et fuyards, interconnecté les captages de Fagette et des Uffernets. Cette interconnexion a permis de réduire le taux de nitrate dans l’eau distribuée.

The Good : En quoi consiste la deuxième tranche, qui va débuter le 3 juillet ?

Marie-Laure Mugnier : La deuxième phase, qui va durer deux ans, concernera Saint-Paul et les Uffernets, les deux plus gros villages de la commune. Elle inclura la rénovation de 13 km de conduites d’eau potable (ce sont les premiers réseaux qui ont été tirés sur la commune ; ils datent de 1900 avec des extensions en 1933 et dans les années 60), 10 km de collecteurs d’assainissement, la réhabilitation et le curage des lagunes. Le rendement global du réseau devrait atteindre 100% d’ici à 2027.

Les travaux sur les réseaux d’assainissement et des eaux pluviales complexifient le dossier et les demandes de financement. Mais nous avons eu, et nous aurons, ces effets d’orages où il faut gérer les eaux pluviales. Nous avons eu des secteurs inondés car le réseau d’assainissement n’a pas la capacité d’absorber les trop plein d’eau. Faire des travaux pour canaliser l’eau, est une question de sécurité, notamment en prévision des pluies vingtennales. L’idée est de séparer les eaux pluviales pour mieux les canaliser, avec des tuyaux plus gros, dimensionnés pour traiter les très grosses pluies.

C’est une problématique de plus en plus présente. Il faut que les collectivités puissent investir pour prévenir les risques.

Il faut être plus résilients. Nous savons que nous allons avoir des sécheresses répétées, nous y sommes confrontés tous les 7 à 8 ans, qui alterneront avec des périodes cévenoles, qui ravagent les installations et qui soulèvent la question de la gestion des eaux pluviales. Nous savons que les phénomènes vont revenir et, probablement être plus intenses ; il faut trouver des solutions pour la suite et investir en ce sens.

The Good : Qu’est-ce que cela représente en termes d’investissements, et quels sont les financements ?

Marie-Laure Mugnier : En termes de financement, la première phase, qui n’a concerné que la rénovation du réseau eau potable, a représenté 1.2 million. C’était la période Covid, qui fut une période d’investissement de l’Etat et de l’Europe. Nous avons bénéficié, sur la première tranche de travaux, du plan France Relance qui nous a permis d’être financés à hauteur de 50%, pris en charge par l’Agence de l’eau Loire-Bretagne et le Département de Haute-Loire. Ce fut un exercice nouveau pour nous que celui des marchés publics et la recherche des financements. Cette première étape a été très formatrice.

La deuxième phase, qui sera lancée le 3 juillet, est plus importante et représente plus de 4 millions d’euros de travaux. Nous bénéficions de financements de l’Agence de l’Eau et Département.

The Good : Comment la population accueille-t-elle ces chantiers ?

Marie-Laure Mugnier : Lorsque nous avons lancé les travaux en 2020, il y avait une vraie réticence de la population qui s’interrogeait sur la nécessité de faire de si gros travaux et de consentir des investissements aussi importants, alors que tous avaient de l’eau qui sortait du robinet ! Mais nous avons senti une bascule liée à la sécheresse de 2022 ; année durant laquelle nous avons été confrontés à des problèmes de pénurie d’eau potable. Les captages ne donnaient plus suffisamment d’eau par rapport aux prélèvements. L’une des communes de la Communauté de commune, de Bouchet-Saint-Nicolas, n’avait plus d’eau potable pour ses habitants… Nous avons dû acheminer 224 000 litres d’eau par citerne pour alimenter le bourg et les Uffernets. Il y a eu une vraie prise de conscience. A présent, la population attend de nous que nous réduisions les prélèvements en eau et les fuites.

En 2022, nous avons vécu un traumatisme. Il ne faut pas l’oublier et préparer la population à la suite. Il faut que nous, élus, leur fassions comprendre que le changement climatique va nous faire évoluer.

The Good : Pour autant, comment invitez-vous les habitants à réduire leur consommation d’eau ?

Marie-Laure Mugnier : Nous avons mené une opération de sensibilisation et distribué des kits d’économie d’eau à tous les habitants. Nous les avons distribués en début d’année avec des sabliers de douche (pour des douches en 5mn !), et des mousseurs à fixer sur les robinets. La Communauté de communes du Pays Ker Pradel a acheté les sabliers de douche et l’Agence de l’eau a financé les mousseurs dans le cadre du plan de résilience mis en place après 2022.

Nous devons absolument sensibiliser la population, et notamment les propriétaires de maisons secondaires, dont les usages sont vraiment différents. L’été, notre population triple car nous avons beaucoup de maisons secondaires. Elles représentent 60% de notre habitat. Là où, auparavant, nous avions des couples de personnes âgées qui consommaient peu d’eau, environ 5m3 par an, on est passé à des logements qui consomment 120 m3 par an. Une famille de 4 à 5 personnes consomme, en moyenne, 80m3 par an. Pourquoi une telle consommation dans les résidences secondaire ? Est-ce parce que les gens font moins attention quand ils sont en vacances ou est-ce parce qu’ils louent et que leurs locataires ont moins se souci de l’eau ? IL y a un peu des deux, je pense

The Good : Vous avez, je crois, travaillé avec des entreprises locales ?

Marie-Laure Mugnier : Je suis très fière de le dire : nous travaillons avec des entreprises locales ; ardéchoises, pour la plupart. Nous avons des entreprises françaises qui sont remarquables. Je vois des professionnels qui sont capables de trouver des solutions, de les chercher ensemble dans une logique constructive. C’est un chantier qui m’a fait du bien. Il est agréable d’avoir des interlocuteurs positifs avec les bonnes solutions techniques.

Les innovations technologiques développées sur les travaux de Saint-Paul-de-Tartas allient performance et durabilité. Pour les deux phases, les travaux incluent la télégestion et la télésurveillance pour une gestion optimisée des réseaux ainsi qu’un traitement bactériologique et une réduction des nitrates dans l’eau potable.

Allez plus loin avec The Good

The Good Newsletter

LES ABONNEMENTS THE GOOD

LES ÉVÉNEMENTS THE GOOD