07/12/2025

Temps de lecture : 3 min

Faire face au dérèglement climatique : pas de justice climatique sans justice sociale

Daphné Chamard-Teirlinck, en charge de la Transition Écologique Juste au Secours Catholique Caritas France, signe cette tribune comme un cri du coeur.

La COP 30 vient de se terminer et malgré son ambition d’être la “COP de la vérité”, nombreux et nombreuses sont déçus par un accord négocié avec difficulté, sans réelles ambitions ni moyens d’action. La  tenue de l’événement en plein cœur de l’Amazonie était pourtant l’occasion de donner une place centrale aux personnes et pays  les plus impactés par le changement climatique.

L’enjeu est d’autant plus crucial, que, selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), il faudrait 215 à 387 milliards de dollars par an d’ici 2030 pour financer l’adaptation des pays en développement[1], soit dix fois plus que les financements publics internationaux mobilisés en 2022.

Ces régions concentrent pourtant la majorité de la population mondiale et subissent de plein fouet les impacts du dérèglement climatique (cyclones, sécheresses, inondations) dont ils ne sont pas historiquement responsables. Il y a urgence à mobiliser des financements publics qui ne génèrent pas de la dette supplémentaire aux pays et qui touchent les communautés locales directement.

La double peine pour les plus vulnérables

Les effets du changement climatique s’intensifient partout dans le monde et entraînent avec eux une accentuation des inégalités sociales. Ce sont les plus précaires et vulnérables, partout dans le monde, même en France hexagonale, qui y sont le plus exposés, parce que plus susceptibles de vivre dans des zones à risque (inondation, glissements de terrain, montée des eaux, etc.). Leurs habitats peuvent être très précaires et donc moins résistants aux événements climatiques extrêmes.  

Et lorsque frappées par des catastrophes climatiques, “leurs dépenses pour les besoins de base explosent, tandis que les revenus diminuent, surtout lorsque le travail dépend du climat comme c’est le cas pour les agricultrices et agriculteurs. Ce déséquilibre entraîne un appauvrissement durable, qui rend tout rebond plus difficile”[2].

L’ouragan Melissa qui a frappé la Jamaïque donne des ordres de grandeur sans précédent pour illustrer le sujet : selon les assureurs, les pertes économiques et assurées pourraient atteindre entre 30 et 250% du PIB du pays, mais quid de celles des plus fragiles qui vivaient déjà dans la précarité ? Combien d’ouragans l’économie jamaïcaine pourra-t-elle supporter ?

Des effets en cascade sur les plus fragiles

En entraînant notamment une perte de logement et une baisse significative des revenus, ces chocs climatiques impactent aussi négativement la santé et la sécurité alimentaire des sinistrés. Par exemple, une éleveuse en Tunisie que nous sommes allés rencontrer, Hnia, n’arrive plus à subvenir aux besoins de sa famille suite à une sécheresse prolongée qui la contraint à nourrir son bétail avec des produits industriels, augmentant drastiquement ses dépenses alors que ses revenus baissent[3].

La pauvreté expose davantage aux chocs climatiques, et les chocs climatiques aggravent la pauvreté. Ce cercle vicieux est soutenu, et renforcé, par des politiques publiques qui ne tiennent pas compte de cette réalité, et écartent systématiquement les populations touchées des prises de décisions.

Il est temps de faire entendre la voix des premiers concernés pour trouver des solutions

Alors que s’est tenu la semaine dernière le plus grand rassemblement international de négociations sur le climat, les États se doivent d’élever l’ambition et de concrétiser leurs engagements en développant des plans d’adaptation ambitieux sur leurs territoires pour protéger l’ensemble des leurs citoyens. Et il faut que ces plans soient financés. En parallèle, les états développés doivent prendre leur part de responsabilité vis-à-vis des pays des Sud, moins responsables mais bien plus impactés.

Si la COP à Belém a reconnu et acté un mécanisme de transition juste – peut être l’une de ses seules victoires – qui reconnaît que certaines populations sont plus impactées que d’autres et qu’il convient de les accompagner plus particulièrement, il faut aller encore plus loin. À l’échelle nationale, efficacité et déployabilité dépendent intimement de la façon dont sont prises les décisions. 

Sans la voix des principaux concernés, ces politiques ne mènent qu’à une transition déconnectée des territoires et des enjeux. Oublier, voire exclure, les plus touchés, de la prise de décisions ne peut que générer du ressentiment. Les images des membres de peuples premiers forçant  l’entrée de la COP30 pour faire entendre leur revendications, ne sont qu’une preuve supplémentaire – s’il en faut – des attentes profondes et légitimes mais ignorées des premiers concernés.

Une opportunité manquée, alors que le sujet était pourtant au cœur de l’agenda porté par Lula et la présidence de la COP. Les solutions d’adaptation efficaces se construiront seulement dans une démarche inclusive de collaboration, et en allant à la rencontre des plus vulnérables.

Justice climatique et justice sociale sont les deux faces d’une même pièce. Il est urgent de redéfinir les priorités , en mettant la justice sociale et écologique au cœur des décisions, et donc des discussions. La transition écologique ne portera ses fruits que si elle est juste, et ce sous nos latitudes comme au niveau mondial. Nous avons la responsabilité commune de changer de cap : chaque décision climatique doit réduire les injustices et non les renforcer.

Signataire : Daphné Chamard-Teirlinck, Transition Écologique Juste au Secours Catholique Caritas France


[1] United Nations Environment Programme (2023). Adaptation Gap Report 2023 : Underfinanced. Underprepared. Inadequate investment and planning on climate adaptation leaves world exposed. Nairobi. https://doi. org/10.59 117/20.500.11822/43796.

[2] Policy Brief Agir pour une adaptation climatique qui ne laisse personne de côté – Secours Catholique Caritas France, 2025.

[3] Ibid

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