14/10/2025

Temps de lecture : 6 min

« Sortir du fossile, financer le vivant : la nouvelle équation bancaire d’ING France », Marie Hardy (ING)

En pleine recomposition du paysage financier, ING France assume une ligne claire : sortir des énergies fossiles, accélérer le financement des renouvelables et accompagner la transition de ses clients. Entretien avec Marie Hardy, directrice de la communication et de la RSE d’ING France qui défend une finance responsable, fondée sur la coopération et la mesure de l’impact réel.

En France, ING compte 220 collaborateurs et exerce exclusivement une activité de banque commerciale, centrée principalement sur l’accompagnement des grandes entreprises (80% du CAC 40 et du SBF 120).

Directrice de la communication et de la RSE d’ING France, Marie Hardy incarne une nouvelle génération de dirigeantes qui placent la durabilité au cœur du modèle bancaire. Pour The Good, elle revient sur la stratégie d’impact du groupe, pionnier de la finance durable, et sur la manière dont la banque entend concilier performance, justice sociale et transition écologique.

The Good : ING France a affiché très tôt des ambitions fortes en matière de développement durable. Quels sont aujourd’hui vos principaux axes stratégiques en RSE et comment s’articulent-ils avec la mission globale du groupe ING ?

Marie Hardy : Nos clients nous sollicitent pour notre expertise sectorielle forte (énergie, télécoms, transport, défense…), notre réseau paneuropéen, et une expertise pionnière sur les enjeux de transition environnementale et de finance durable.

Face à l’urgence climatique, le rôle des institutions financières est crucial car elles disposent des leviers nécessaires pour exiger des acteurs économiques une révision profonde de leurs modèles d’affaires. Notre stratégie de durabilité s’inscrit donc au cœur de notre stratégie d’entreprise. Elle vise à agir en faveur du climat, à préserver la nature, défendre les droits humains et favoriser l’inclusion financière, en alignant nos actions sur les objectifs climatiques définis par l’Accord de Paris.

Notre responsabilité, en tant que banque, est de soutenir nos clients dans leurs enjeux de transition – qu’ils soient écologiques, industriels, digitaux, sociaux – pour faire advenir un modèle économique bas carbone plus robuste et plus juste, au service de l’intérêt collectif et d’une souveraineté économique européenne.

Sur le marché français, nous avons ainsi été pionniers en matière de finance durable en structurant le premier Sustainability-Improvement Loan (SIL) en 2017 pour EDF.

Nous prenons aussi à cœur notre responsabilité sociale en tant qu’employeur en favorisant une culture de la diversité et de l’inclusion, au cœur de nos actions et de nos valeurs, convaincus que seule celle-ci peut faire la différence pour ING et la société.

The Good : En termes d’impact concret, quels résultats avez-vous obtenus ces dernières années, notamment sur vos objectifs climat, vos financements durables et votre politique d’exclusion des énergies fossiles ?

Marie Hardy : Nous sommes la première et seule banque mondiale dont les objectifs climatiques, visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans nos propres opérations ainsi que dans notre portefeuille clients, ont été validés par la Science Based Targets initiative. La SBTi a conclu que ces objectifs sont conformes aux dernières données scientifiques et à l’objectif de limiter le réchauffement climatique au niveau international.

Nous avons ainsi défini une trajectoire de sortie claire des énergies fossiles. Notre objectif est de réduire de 35% notre exposition aux énergies fossiles d’ici 2030. Le financement des centrales à charbon sera réduit à zéro d’ici la fin de cette année. Nous avons décidé de ne plus accorder de nouveaux financements pour les nouveaux terminaux d’exportation de gaz naturel liquéfié (GNL) après 2025, conformément au scénario « Zéro émission nette d’ici 2050 » de l’AIE. Enfin, notre objectif est de mettre fin de manière définitive au financement des activités d’exploration et de production pétrolière et gazière en amont d’ici 2040, soit 10 ans avant l’échéance de l’Accord de Paris, et nous avons déjà cessé depuis 2025 d’accompagner les compagnies développant de nouveaux gisements.

En parallèle, nous réallouons activement le capital vers des financements durables pour transformer l’économie. Notre objectif est de mobiliser 150 milliards d’euros par an d’ici 2027, dont 7,5 milliards par an de financements pour les énergies renouvelables d’ici fin 2025. Aujourd’hui, 60% de notre portefeuille énergie est déjà orienté vers les renouvelables. Et nous avons dépassé nos ambitions initiales : en 2024, nous avons mobilisé 130 milliards d’euros de financements durables, alors que l’objectif fixé pour 2025 était de 125 milliards. Ces financements couvrent un large spectre, allant des énergies renouvelables aux solutions innovantes en matière d’économie circulaire et de gestion des ressources naturelles.

The Good : Vous insistez régulièrement sur la responsabilité sociale de la banque. Quelles actions menez-vous pour accompagner vos clients entreprises dans leur propre transition durable ?

Marie Hardy : Notre accompagnement dépasse la simple offre de financement. Il inclut un volet de conseil stratégique avec la mise en place de méthodologies permettant de suivre et de mesurer les progrès. Cette approche collaborative et personnalisée est essentielle car la transition écologique est un processus long et complexe qui ne peut être standardisé : chaque entreprise suit une trajectoire unique, définie par son secteur, sa taille et ses contraintes.

Au niveau du Groupe, nous avons ainsi accompagné plus de 1 600 entreprises dans l’élaboration de plans de transition sur mesure, intégrant des critères ESG ainsi que la double matérialité. Nous sommes aussi la première banque systémique à avoir annoncé à Davos en 2025, qu’à partir de 2026, nous cesserions d’accompagner les clients ne respectant pas une trajectoire de décarbonation crédible.

Récemment, en France, nous avons par exemple accompagné la SNCF dans le refinancement de sa facilité de crédit syndiquée durable de 3,5 milliards d’euros en tant que Coordinateur Sustainability. Nous avons accompagné Electra, spécialiste européen de la recharge rapide pour véhicules électriques, en tant que conseil financier exclusif, dans une levée de dette verte de 433 millions d’euros destinée à accélérer le déploiement de son réseau en Europe.

Nous avons également coordonné une émission obligataire de 1,5 milliard d’euros pour Orange, dont 750 millions en format durable, et structuré la première émission obligataire notée de Transdev, pour 800 millions d’euros, intégrant des critères de durabilité.

The Good : La culture interne est un volet clé de votre stratégie. Comment embarquez-vous vos collaborateurs autour de vos engagements RSE, en particulier sur des sujets comme la diversité, la mixité et la formation aux enjeux climatiques ?

Marie Hardy : Afin que nos engagements se traduisent dans nos pratiques internes, le Groupe a mis en place des ateliers de sensibilisation et parcours de formation, ouverts à tous, sur les enjeux de durabilité, dont certains modules obligatoires pour l’ensemble des collaborateurs.

En France, nous organisons régulièrement des ateliers collectifs de sensibilisation (Fresques, Atelier 2tonnes) mais aussi des conférences avec des experts reconnus sur des thématiques très variées (diversité, numérique responsable, dérèglement climatique…), sans oublier des actions sur le terrain (collectes et courses solidaires). Chaque année, nous soutenons et collaborons, via des programmes de mécénat individuel et collectif, avec une association sélectionnée par nos collaborateurs (actuellement Le Chaînon Manquant).

Nous avons défini des objectifs clairs en matière de diversité et d’inclusion, qu’il s’agisse de la mixité dans les postes de direction ou de la diversité culturelle au sein de nos équipes. Cette stratégie est incarnée et challengée par notre réseau OpenING regroupant une dizaine d’ambassadeurs sur ces enjeux. Des programmes de coaching dédiés à nos talents féminins leur permettent de travailler sur la confiance en soi, la légitimité et la visibilité des femmes managers. Enfin, ING France a rejoint récemment le Mouvement Impact France, une démarche qui illustre notre volonté d’aligner nos pratiques internes avec les standards les plus exigeants en matière d’impact social et environnemental.

The Good : Enfin, dans un secteur bancaire très concurrentiel et face aux attentes croissantes des régulateurs et de la société civile, comment ING entend-elle continuer à se différencier et à incarner un rôle de “banque responsable” dans les prochaines années ?

Marie Hardy : Dans un monde traversé par des incertitudes profondes, notre responsabilité est de contribuer à bâtir un modèle économique plus robuste et plus juste, capable de soutenir les transitions vers une économie bas carbone sans renoncer à la performance. Cette démarche repose sur une conviction forte : la transition écologique ne peut être menée à bien par un acteur seul. Elle exige une coopération étroite entre nos clients, nos partenaires financiers, les régulateurs et les institutions publiques, afin de maximiser l’impact des initiatives engagées. Nous nouons ainsi des partenariats concrets et des projets collaboratifs, alliant expertise financière, innovation technologique et mobilisation sectorielle.

Au-delà de notre rôle traditionnel de prêteur, nous percevons notre rôle comme un catalyseur, capable de rassembler des parties prenantes diverses autour d’objectifs communs et mesurables. Cette dynamique collective est essentielle pour générer un effet d’entraînement à grande échelle.

C’est aussi le sens de notre adhésion récente au Mouvement Impact France. En tant que première banque privée à rejoindre ce réseau, ING affirme une conviction forte : la finance peut et doit être un levier de cohésion et de progrès pour l’ensemble de la société. Le CEO d’ING France est ainsi très impliqué, ainsi que l’ensemble de nos collaborateurs, pour partager cet impératif de durabilité et de souveraineté européenne auprès de nos différentes parties prenantes. Nous voulons contribuer à réconcilier bien commun et performance, compétitivité et intérêt général, et inscrire nos choix dans une logique de long terme, tournée vers les générations futures.

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