Quand la nature aide la nature : grand bain dans les énergies marines

Si l’exploitation de l’eau pour produire de l’énergie renouvelable n’est pas nouvelle, ses méthodes se sont focalisées jusqu’à présent principalement sur l’hydroélectricité des rivières avec le leadership de la Chine, du Brésil ou du Canada. En revanche, les énergies marines sont encore sous exploitées. Marémotrice, hydrolienne, houlomotrice ou thermique, les énergies marines apparaissent aujourd’hui comme des ressources inépuisables capables de répondre aux problématiques environnementales actuelles. Petit tour d’horizon des nouvelles solutions qui permettent d’utiliser la mer comme une source d’énergie.

Si la puissance imprévisible des océans nous fascine, son énergie décarbonée et durable reste encore sous exploitée. Heureusement, certains plongent pour saisir les opportunités. C’est le cas d’EDF, qui valorise notamment l’énergie marémotrice. Une énergie qui utilise le différentiel de niveau entre les marées pour produire de l’électricité. Le principe est de créer une retenue d’eau artificielle grâce à un barrage et donc un différentiel de hauteur d’eau pour entraîner des turbines et leurs alternateurs qui produisent l’électricité. Une usine marémotrice utilise ainsi le mouvement ascendant et descendant de la marée pour créer le dénivelé nécessaire à la production d’énergie. Grâce à son usine construite à l’embouchure de La Rance, en Bretagne, EDF possède l’une des seules usines marémotrices au monde (avec celle de Sihwa, en Corée du Sud) basée sur l’énergie potentielle des marées : les variations du niveau de la mer induites par les marées montantes et descendantes, actionnent une turbine qui enclenche un alternateur en charge de produire un courant électrique alternatif. La Rance a une puissance installée de 240 MW, répartis sur 24 turbines de 10 MW. Depuis près de 50 ans, elle produit environ 500 GWh/an, l’équivalent de la consommation d’électricité de la ville de Rennes. Les avantages des marées pour produire de l’électricité sont multiples : prédictibilité parfaite du phénomène pour une source d’énergie renouvelable, non-émettrice de CO2, à faible impact environnemental et inépuisable.

L’énergie hydrolienne : le courant passe toujours

Proche cousine de l’éolienne, l’énergie hydrolienne consiste à exploiter la force des courants marins ou fluviaux en convertissant l’énergie cinétique de l’eau en électricité de la même manière que les éoliennes convertissent l’énergie cinétique du vent. La France possède le deuxième potentiel pour l’hydrolien en Europe, avec une puissance estimée entre 3 et 5 gigawatts. Parce qu’elle est source d’énergie durable, inépuisable, non polluante, fiable et surtout prédictive, des industriels comme Hydroquest ou la PME française Sabella travaillent sur le développement de ce type d’énergie. Sabella se distingue dans son avance technologique dans l’hydrocinétique marine pour valoriser un modèle « fuel free islands ».  Son projet Phares (Programme d’Hybridation Avancée pour Renouveler l’Énergie dans les Systèmes insulaires) en collaboration avec Akuo Energy dans les îles d’Ouessant est très prometteur. Il promet de raccorder 70% des quelque 800 habitants de l’île en 2023 à un approvisionnement en énergies renouvelables en économisant 2 millions de litres de fuel par an, et bénéficie du soutien de la Région Bretagne et du Programme d’investissements d’avenir de l’ADEME

L’énergie houlomotrice : le bon spot pour prendre la vague 

Face à des solutions hydroliennes immergées en pleine mer et parfois coûteuses, certaines start-up innovantes comme Eco Wave Power font le pari de l’énergie houlomotrice en exploitant la force des vagues le long des côtes. En valorisant la force des oscillations de la mer, la start up israélienne Eco Wave Power a réussi le pari de produire de l’électricité à bas prix et très facilement connectable au réseau. Sa PDG très inspirante et très dynamique Inna Braverman, survivante miraculée de l’explosion nucléaire de Tchernobyl est un symbole de résilience et d’ambition pour la cause environnementale. « Ma passion est une formidable source d’énergie renouvelable », dit-elle avec malice. Contrairement à la plupart des infrastructures d’énergie houlomotrice existantes installées en pleine mer, la technologie d’Eco Wave Power représente une approche révolutionnaire low cost : les flotteurs s’attachent aux structures marines existantes, sur terre, comme les brise-lames, et peuvent alimenter directement le réseau électrique avec l’électricité qu’elle produit sans impacter l’environnement côtier.

L’énergie thermique des mers (ETM)

L’énergie thermique des mers consiste quant à elle à exploiter la différence de température qui existe entre les eaux chaudes de surface (plus de 25 °C) et les eaux froides des profondeurs (environ 5 °C à 1.000 mètres de profondeur), pour produire de l’électricité renouvelable. Ce procédé nécessite l’utilisation de générateurs thermoélectriques. Il est similaire au principe d’une pompe à chaleur et permet également de produire de l’eau douce et même du froid pour la climatisation. Après 8 ans d’expérimentation, un démonstrateur est actuellement testé à La Réunion par Naval Energies. D’autres prototypes sont à l’essai en Chine, à Hawaï (Etats-Unis) et au Japon, mais c’est en Corée que la technologie ETM passe au stade commercial avec une centrale de 1MW dans les îles Kiribati.

Les océans n’ont pas fini de nous surprendre avec leurs ressources énergétiques renouvelables infinies 100% décarbonées. Espérons que les prochaines entreprises contributives orientent leurs investissements vers davantage d’énergies renouvelables et continuent de protéger avec bienveillance le formidable capital de biodiversité des océans.

Mais comme dirait Edgar Morin : « La connaissance est une navigation dans un océan d’incertitudes à travers des archipels de certitudes ».

Laurent Lafite
Laurent Lafite
Expert en transformation digitale et environnementale depuis 20 ans. Spécialiste du marketing de rupture, des GreenTech et du développement durable, il est le fondateur de TransfoGreen et accompagne les entreprises dans leur transformation RSE.

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