09/12/2025

Temps de lecture : 4 min

Scop, Scic… Pourquoi les sociétés coopératives ont le vent en poupe

Les coopératives font surtout parler d’elles lors des reprises d’entreprises par les salariés. Mais elles ont d'autres atouts à faire valoir grâce à leur gouvernance particulière.

©Duralex

L’affaire ne sera tranchée que le 11 décembre prochain. Mais les salariés de Brandt, qui ont déposé une offre de reprise de leur entreprise en Scop, peuvent trouver des raisons d’espérer dans des précédents couronnés de succès.

A l’image de Duralex, dont les salariés ont su convaincre le Tribunal de commerce d’Orléans à l’été 2024. Leur projet prévoyait de conserver la totalité des 226 emplois de son usine de La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret), face à des offres socialement moins-disantes. Quelques semaines plus tôt, soutenus par la région Centre-Val de Loire et la métropole d’Orléans, ils s’étaient organisés en Scop, avec l’aide du réseau national.

Ce statut de société coopérative et participative, né il y a 140 ans, prévoit que les associés salariés possèdent au moins 51 % du capital social de la Scop et 65 % des droits de vote au conseil d’administration. Les quelque 4600 entreprises (SA, SAS ou SARL) qui ont choisi ce statut réalisent aujourd’hui plus de 10 milliards de chiffre d’affaires et emploient 88 000 personnes. Soit deux fois plus d’emplois et de chiffre d’affaires qu’il y a dix ans.

Un taux de survie à 5 ans bien supérieur à la moyenne

En novembre 2025, signe de la notoriété de la marque et de l’attachement qu’elle suscite parmi les Français, Duralex est parvenu à lever en quelques heures les 5 millions d’euros qui lui manquaient pour boucler son plan de relance. En deux jours, 21 000 investisseurs, représentant près de 20 millions d’euros, ont manifesté leur intérêt pour les titres participatifs, rémunérés à 8% !

Son directeur général François Marciano n’estime pas l’entreprise tirée d’affaire pour autant.

Comme le rappelle Fatima Bellaredj, déléguée générale de la Confédération générale des Scop,

« si Duralex a dû procéder à cette levée de fonds, c’est parce que lors de la reprise, l’État ne lui avait attribué que 750 000 euros, contre 7 millions promis au projet concurrent ».

Cette absence quasi systématique de l’État en soutien des reprises en Scop est une aberration à ses yeux, alors que les coopératives ont vu leurs emplois croître de 4% en 2024, et affichent un taux de survie à 5 ans de 79%, contre 61% en moyenne selon l’Insee.

« L’implication des salariés fait toute la différence. Que l’entreprise aille bien ou mal, c’est LEUR entreprise », souligne-t-elle. Et il s’agit d’emplois non délocalisables. »

Pour autant, la Scop n’est pas une baguette magique. Ainsi, en avril dernier, le Tribunal de commerce de Lyon a rejeté la reprise du chimiste Vencorex par ses salariés, au profit d’un repreneur chinois.

Surtout, ces exemples très médiatisés masquent une réalité bien différente. « Les créations de Scop pour reprendre des entreprises en difficulté ne représentent qu’une faible part du total », insiste Fatima Bellaredj.

La plupart sont des créations ex-nihilo, ou des rachats d’entreprises saines.

« En général, on ne pense pas assez aux salariés dans les cas de reprise, on les croit incompétents »

, déplore la déléguée générale.

Dans les Scic, toutes les parties prenantes sociétaires

La Scop n’est pas la seule forme coopérative qui a le vent en poupe. Enercoop, organisée en Scic (société coopérative d’intérêt collectif), vient de souffler ses 20 bougies. « Notre objectif d’intérêt collectif, c’est une transition juste », précise sa directrice générale, Béatrice Delpech. A la différence de la Scop qui réserve cette possibilité à ses salariés, la Scic étend le sociétariat à l’ensemble de ses parties prenantes.

Chez Enercoop, six collèges rassemblent les salariés, les clients, les producteurs d’électricité verte auprès desquels Enercoop se fournit, les 13 réseaux locaux, les porteurs (fondateurs et sociétaires engagés) et les partenaires. Parmi ces derniers, des collectivités, particulièrement impliquées dans les projets d’énergie renouvelables citoyens.

« En mettant autour d’une même table des entreprises, associations, collectivités, et citoyens pour réfléchir ensemble à leurs besoins, ces projets constituent de puissants ferments de démocratie locale, affirme Béatrice Delpech. Les retombées économiques pour le territoire sont 2,5 fois plus importantes que pour un projet standard d’énergie renouvelable », ajoute-t-elle.

Une adhésion renforcée à l’issue des débats

Cette gouvernance partagée entre quelque 26 000 sociétaires (dont 240 salariés) et autant de voix, n’est pas un long fleuve tranquille. L’adoption des résolutions en Conseil d’administration se fait selon le principe de la gestion par consentement. Plusieurs tours de table permettent d’aboutir à une proposition finale « qui ne fait ni gagnant, ni perdant, affirme Béatrice Delpech. Et qui renforce l’adhésion à la décision ».

Une bonne chose pour surmonter les tempêtes, comme celle qu’Enercoop a dû affronter en 2021/22 en raison de la flambée des prix sur les marchés de l’électricité, où l’entreprise doit s’approvisionner pour équilibrer en permanence production et consommation.

D’où la décision, issue de six mois de débat interne avec les sociétaires, de recourir à l’Arenh pour 3 ans, soit jusqu’à extinction de ce dispositif fin décembre 2025. Cet « accès régulé à l’électricité nucléaire historique », seule solution à l’époque pour s’approvisionner à un tarif raisonnable, a suscité de vives discussions chez cet acteur historiquement anti-nucléaire.

En septembre dernier, Enercoop a décidé d’élargir à des non sociétaires la possibilité de détenir des titres participatifs et de lancer une levée de fonds. Les six millions visés, qui devraient être atteints d’ici la fin de l’année, sont destinés à financer le développement de production en propre et en co-développement.

Membre de l’alliance des Licoornes aux côtés de Biocoop, Mobicoop ou encore Sailcoop, le fournisseur d’énergie verte assume pratiquer le prosélytisme « pour inciter à entreprendre sous forme coopérative. »

Signe d’une évolution du côté de l’État dans son soutien aux coopératives ? Si le projet de reprise en Scop de Brandt par ses salariés l’emporte, il a promis de mettre 5 millions d’euros sur la table. Ce serait une première.

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