Timberland : la mode à impact positif est-elle possible ?

Dans la même dynamique de passage au “faire” que Patagonia qui s’investit dans l’agriculture régénératrice via la création de son propre label ROC (Regenerative Organic Certified), Timberland dévoile son plan d’attaque. Au menu pour 2030 : 100% de ses produits conçus pour être compatibles avec l’économie circulaire, 100% des matériaux naturels de ses produits issus de l’agriculture régénératrice, le tout pour un impact non pas moins lourd, mais carrément positif. Derrière les coups de com’ qui s’additionnent et nous lassent, l’industrie de la mode pourrait-elle réellement prendre le virage du Good, sans faux semblants ? Rencontre riche en enseignements avec Elisabetta Baronio, directrice RSE EMEA de Timberland. 

The Good : Le bio-sourcing (c’est-à-dire l’utilisation de matériaux organiques/naturels) semble être la direction que de plus en plus de marques ont tendance à prendre. Comment et de quelle(s) manière(s) cette approche résout-elle les problèmes et les enjeux liés à l’impact environnemental de Timberland ? Avez-vous des chiffres éclairants à ce sujet ?

Elisabetta Baronio : L’extraction et la fabrication de matières premières constituent l’impact environnemental le plus important de Timberland. Les données que nous recueillons avec notre société mère pour fixer nos objectifs scientifiques montrent que la seule extraction de matières premières représente environ 43 % de nos émissions totales de carbone. Par conséquent, il est essentiel de repenser l’utilisation des matières premières pour modifier la trajectoire des émissions causées par notre industrie. En tant que marque inspirée par la nature, les matériaux naturels sont le premier choix de Timberland.  En fait, nos matériaux les plus utilisés sont de loin le cuir et le coton, tous deux naturels. Lorsque nous nous procurons ces matériaux, nous nous efforçons toujours de le faire d’une manière qui respecte et soutient la nature. Prenons l’exemple du coton : les pratiques biologiques ont beaucoup moins d’impact que les pratiques conventionnelles. Le coton biologique produit 46 % d’émissions de gaz à effet de serre de moins que le coton conventionnel. En utilisant des matières biologiques plutôt que conventionnelles, nous pouvons nous assurer de réduire l’empreinte écologique de nos produits. 

The Good : Après l’agriculture biologique, l’agriculture régénératrice et la conception circulaire. Pouvez-vous nous en dire plus sur ces concepts et sur vos objectifs ? 

E.B. : L’environnement est aujourd’hui dans un état dégradé. En tant que marque de mode, Timberland comprend que la création de nos produits a un impact environnemental important.  Pendant des décennies, nous avons travaillé dur pour minimiser cet impact, mais il est temps de faire mieux que cela : en tant qu’entreprise de mode, nous devons faire partie de la solution. C’est pourquoi nous nous efforçons de faire en sorte que les produits Timberland aient un impact positif net sur la nature d’ici 2030, en rendant à la nature plus que ce qui lui est pris et en aidant l’environnement à se restaurer et à prospérer. Pour favoriser ce changement, nous nous concentrerons sur deux grands domaines de travail : l’innovation par l’agriculture régénératrice et la conception circulaire.  

D’ici 2030, 100 % des produits Timberland, toutes catégories confondues, seront conçus pour être circulaires. En amont, les produits seront fabriqués à partir de matériaux qui auraient autrement été mis au rebut (par exemple, des bouteilles en plastique, des déchets de cuir, de laine et de coton).  Les produits seront également conçus pour être recyclables en “fin de vie”, de manière à pouvoir être démontés et transformés en quelque chose de nouveau. 

Grâce à cette approche circulaire, nous nous efforçons de parvenir à un niveau de déchets zéro, en travaillant pour un impact zéro. Notre deuxième domaine de travail, l’agriculture régénératrice, est ce qui va faire pencher la balance du côté du zéro net et nous permettre d’avoir un impact positif net sur la nature : nous nous sommes engagés à nous approvisionner à 100 % en matières naturelles vierges utilisées dans nos produits à partir de pratiques régénératrices d’ici 2030. Les pratiques régénératrices imitent la nature. Elles permettent aux animaux d’errer et de paître selon leurs schémas naturels, donnant ainsi à la terre une chance de se reposer et de guérir.  Elles permettent également de planter une variété de cultures, reproduisant la diversité de la nature. Ces pratiques permettent à la terre d’extraire le carbone de l’atmosphère et de le stocker efficacement dans le sol, reconstruisant ainsi la structure du sol et conduisant à un sol sain, hydraté et fertile. En fin de compte, cela se traduit par des effets positifs nets pour la terre et les agriculteurs, dont les exploitations sont désormais plus productives. Cela change la donne dans l’industrie, et nous sommes fiers, en tant qu’exploitants forestiers, d’être les pionniers de ce travail : cet automne-hiver, nous avons lancé notre première collection de bottes fabriquées à partir de cuir régénératif, et nous prévoyons de l’étendre considérablement au cours des prochaines saisons.

The Good : Quelles mesures complémentaires devraient accompagner le bio-sourcing pour parler d’une véritable transition écologique, sociale et solidaire de la mode ?

E.B. : Dans notre monde, les impacts environnementaux et l’impact social sont souvent interconnectés. Garantir un environnement équitable et sûr à nos travailleurs est essentiel pour notre fonctionnement en tant qu’entreprise, que ce soit par l’intermédiaire des partenaires de la chaîne d’approvisionnement ou de notre propre usine en République dominicaine, tout autant que pour créer une culture de collaboration et d’unité. Par exemple, le coton était à l’époque la quatrième exportation agricole d’Haïti, mais cela fait 30 ans que le pays n’en produit plus. En partenariat avec la Smallholder Farmers Alliance (SFA), nous nous sommes engagés dans une mission de cinq ans pour ramener le coton à Haïti, une initiative qui créera des opportunités de croissance pour le pays et ses communautés. Par ailleurs, nous travaillons avec eux pour que ce coton ne soit pas seulement biologique mais qu’il soit un jour régénérateur. Cet exemple montre comment, chez Timberland, nous envisageons la durabilité de manière holistique : à partir du printemps prochain, le coton cultivé en Haïti grâce à notre travail, sera utilisé pour fabriquer des chaussures Timberland.

The Good : Quelles marques et quels modèles vous inspirent dans la transformation de votre propre modèle ?

E.B. : La véritable inspiration derrière notre travail et nos engagements vient de la nature : nous avons regardé comment la nature fonctionne et nous nous sommes inspirés de la circularité de la nature, où il n’y a pas ce qu’on appelle les déchets, et du pouvoir de régénération de la nature. En nous concentrant sur ces processus naturels, nous avons établi une nouvelle vision créative, axée sur la nature + la mode, et nous nous tournons à nouveau vers la nature pour changer notre propre façon de concevoir et de nous approvisionner afin de tendre vers une positivité nette.

The Good : La mode et la durabilité semblent être des notions antinomiques. Grâce aux nouvelles techniques de production que vous et d’autres ont adoptées, une mode durable est-elle possible ?

E.B. : La bonne nouvelle, c’est que c’est effectivement possible. La solution repose sur l’adoption de pratiques circulaires à grande échelle pour atteindre le zéro déchet net, en conjonction avec des pratiques agricoles régénératrices pour garantir que l’industrie de la mode évolue vers un impact positif net. Aujourd’hui, en tant que marque, nous travaillons à la mise en place d’une chaîne d’approvisionnement régénératrice non seulement pour Timberland, mais pour l’ensemble de l’industrie de la chaussure et de l’habillement. Nous allons tester nos premières chaussures fabriquées avec du cuir provenant d’élevages régénératifs cet automne, et nous prévoyons de les développer considérablement au cours des prochaines années. Nous sommes très enthousiasmés par ces projets et espérons inspirer l’ensemble de l’industrie à travailler ensemble et à changer éventuellement la trajectoire de notre avenir collectif.

Dernières publications

L’Assemblée nationale vote contre la “fast fashion” comprenant des pénalités et une publicité interdite

L'Assemblée nationale a voté jeudi 14 mars à l'unanimité des mesures visant à freiner la "fast fashion", avec une interdiction de la publicité pour la vente de vêtements à prix cassés inondant le marché et un "malus" environnemental renforcé pour les rendre moins attractifs.

Paris Good Fashion et LVMH dévoilent les lauréats du Green Store Challenge

Le Green Store Challenge vise à valoriser et à partager les bonnes pratiques qui permettent de limiter l’impact du commerce de mode sur l’environnement.

« Nous œuvrons à la sauvegarde des savoir-faire et à la réindustrialisation », Alexandre Garcin (maire de Roubaix)

(contenu abonné) Il y a deux ans, la ville a racheté une ancienne usine textile pour y créer un pôle dédié à l’économie circulaire. Il héberge notamment un incubateur(contenu abonné) Il y a deux ans, la ville a racheté une ancienne usine textile pour y créer un pôle dédié à l’économie circulaire. Il héberge notamment un incubateur(contenu abonné) Il y a deux ans, la ville a racheté une ancienne usine textile pour y créer un pôle dédié à l’économie circulaire. Il héberge notamment un incubateur...

Comment Reitzel relance la filière du cornichon français

(contenu abonné) La PME s’évertue depuis 7 ans à proposer des cornichons made in France. Pour cela, elle s’est constitué un réseau d’agriculteurs partenaires qu’elle soutient financièrement, tout en recherchant les innovations qui l’aideront à mieux développer cette filière.

#Goodtribune « Vers un nouvel entrepreneuriat climatique, croisant impératif éthique et opportunité économique », Elisabeth Laville et Arnaud Florentin (UTOPIES) et Anne Thévenet-Abitbol (DANONE)

« La crise climatique est le symptôme, pas le problème ». Selon Satish Kumar, fondateur du Schumacher College, elle vient brutalement nous rappeler le manque d’efficience de notre économie. Ce faisant, elle pose un défi à notre imagination : comment repenser nos modèles économiques pour inventer une nouvelle façon d’entreprendre, réajustée au monde, qui se conçoive dans, et non en dehors, du vivant ?...