Radicalité, sobriété heureuse : le nouveau rôle des marques (et des entreprises) dans un monde limité

Le 02 juin, le Club des Annonceurs a organisé une rencontre autour du rôle des marques dans un monde limité au Ground Control. Étaient présents Emery Jacquillat (Président – CAMIF), Alexandre Rubin (CEO – Yves Rocher France & Benelux), Thibault Lamarque (Fondateur – Castalie), Stéphane Chéry (Directeur de la Marque, de la Publicité et des Partenariats Groupe – SNCF), Virginie Raisson-Victor (Présidente – GIEC Pays-de-la-Loire), et Cyndie Bettant (Directrice de la communication – Cision) pour présenter les résultats du dernier baromètre des marques engagées. Sous la houlette de Luc Wise (Fondateur – The Good Company), ces expert.e.s nous ont partagé les clés pour rendre les entreprises utiles. 

Dans un monde aux ressources limitées, les aiguilles de l’horloge de l’urgence tournent très vite. Depuis la sortie du rapport Meadows il y a 50 ans, la population mondiale a doublé tandis que la consommation des ressources finies a triplé. En 1972, nous prélevions 27 milliards de tonnes chaque année. Aujourd’hui ce nombre grimpe à 92. Notre activité ne se coordonne pas avec nos besoins. Les entreprises sont amenées à aller vers des nouvelles formes de business models car elles ont un rôle majeur à jouer. Décroissance, sobriété, croissance verte, post-capitalisme ou encore nouveau capitalisme : s’il existe encore un débat sur la méthode, une chose est certaine, les entreprises doivent s’y engager pour rendre l’économie compatible avec les limites planétaires. Il en tient de la survie de notre planète mais aussi de celle des entreprises. L’économiste Kenneth Boulding disait “Celui qui croit à une croissance infinie dans un monde fini, est soit fou soit un économiste.” Les entreprises ne sont pas des économistes mais sont-elles pour autant folles ? 

Être radical 

Il convient tout d’abord comme nous le rappelle Emery Jacquillat de se demander quel(s) rôles jouent nos entreprises ? A l’origine une entreprise devait servir l’intérêt général pour naître, être des entreprises à mission avant l’heure. Une entreprise naît pour résoudre un problème ou pour combler un besoin. Par exemple, Castalie a vu le jour pour répondre au problème de l’utilisation excessive du plastique pour les bouteilles d’eau. La SNCF est apparue en 1938 pour relier les territoires entre eux. Yves Rocher, très en avance sur son temps, a fait de la cosmétique naturelle son cheval de bataille et de La Gacilly son théâtre d’opérations. Les 3 lettres de RSE doivent servir de cap aux dirigeants pour redonner du sens à leur rôle. 63% des entreprises sont déjà passées à l’action en réduisant leur empreinte carbone, en faisant attention au bien-être de leurs salariés, en investissant pour l’égalité hommes-femmes et pour le droit des femmes, entre autres. Leurs moyens étant limités, elles doivent sélectionner leurs priorités pour construire un récit engageant et convaincant pour leurs audiences. Pour Alexandre Rubin : une entreprise doit choisir ses combats pour être radicale, crédible et honnête. Soyez radicaux ! nous lance également Thibault Lamarque. Elles doivent être capables aussi d’amener la preuve de leurs engagements pour ne pas tomber dans le RSEwashing, un sentiment partagé par 80% des communicants. Pour Emery Jacquillat, si les dirigeants ne sont pas capables de porter la preuve de leurs engagements, ils font courir un risque à leur entreprise. Communiquer si c’est vrai, se taire si c’est faux ! 

Avoir de l’ambition

Changer le monde pour que l’économie soit compatible avec le vivant, voilà le rôle des entreprises ! Bien ambitieux non ? Nécessaire ? Oui ! Les entreprises qui resteront dans les mémoires collectives sont celles qui auront joué un rôle à l’heure de l’urgence pour Stéphane Chéry. Nous le pensons aussi ! Une entreprise peut cocher toutes les cases dès sa création ou en créer de nouvelles pour définir des standards encore plus exigeants. La sobriété heureuse pourrait être un de ces nouveaux standards ? Pour Virginie Raisson-Victor, la sobriété heureuse est ce qui nous sauvera. Less is better ! Cependant il ne faut pas allier sobriété heureuse avec frustration de consommation. La sobriété doit s’incarner dans une dynamique plutôt que dans un message perçu comme de la frustration. Une dynamique non pas de l’effort mais de la vertu. L’enjeu des entreprises est de trouver un modèle soutenable pour réconcilier sobriété et croissance. Celui des marques est de rendre ce modèle désirable. Là réside encore toute la difficulté : rendre le durable désirable, le soutenable enviable. Est-ce que les investisseurs sont prêts à revoir leurs attentes ? Est-ce que les consommateurs suivront ? 52% des répondants au baromètre Cision ont déjà transformé leur business model en profondeur. La preuve donc que cela est possible. Pour certains encore, responsabilité et rentabilité ne vont pas ensemble. Heureusement pour une majorité qui ne fait que croître ces deux mots deviennent indissociables. Est-ce qu’avoir de l’ambition ce n’est pas finalement aller à contre-sens ? Une entreprise par nature cherche à faire toujours plus de profit mais ne devrait-elle pas chercher à faire toujours plus de Good ? Il faut savoir prendre des paris difficiles pour Alexandre Rubin. De son côté, Emery Jacquillat nous rappelle l’urgence du temps long. N’est-ce pas la tortue qui gagne la course contre le lièvre ? 

L’enjeu des entreprises est de trouver un modèle soutenable pour réconcilier sobriété et croissance. Celui des marques est de rendre ce modèle désirable.

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