Jeunes en 2020 : “Avant, on se battait pour avoir de la place et pouvoir agir. Aujourd’hui on se bat pour que nos actions soient durables et positives”.

En quoi la so-called jeunesse engagée, peinte et dépeinte par les études et autres enquêtes marketing incarne-t-elle une économie durable et responsable ? En quoi le digital la nourrit-elle et qu’apporte-t-elle de si précieux que les entreprises se doivent de saisir ? Comment créer des ponts avec elle et comment l’élever ? Au regard des mille et une initiatives citoyennes, solidaires, et responsables portées par les étudiants de l’ECV digital, il y a très sérieusement un sujet ici. Rencontre avec Alexia Moity, directrice générale de cette école de Good talents.

The Good : Les années passent et les actions étudiantes concrètes, engageantes et responsables s’enchaînent. Parmi celles que vous avez vu passer, laquelle retient particulièrement votre attention ? Pourquoi ? 

Alexia Moity : L’action concrète qui a particulièrement retenue mon attention est un projet initié au sein de l’ECV Digital qui a pour objectif d’être au service de la santé grâce au numérique et en réponse aux attentes et besoins des jeunes sur des questions jugées encore tabous : Speach. 

Il a été conçu par trois étudiants en Mastère UX de l’école de Paris, Sarah Lecoffre, Quentin Colus et Antoine Tirante, dans le cadre d’un workshop de Design d’interface et d’interactivité en 2016. Ils ont ensuite fait évolué le projet en participant au SexTechLab, 1er hackathon dédié au sexe à l’initiative de Marc Dorcel en mai 2017.

L’idée de ce projet était assez novateur puisque “SpeachBot” est un chatbot disponible sur Messenger qui propose aux adolescents et jeunes adultes de pouvoir poser toutes leurs questions sur la sexualité et l’amour et d’obtenir une réponse en instantané. 

Simple d’utilisation et en complément des conseils livrés aux jeunes par des professionnels du secteur de la santé ou des proches, il permet de pouvoir suivre un programme d’information. 

Tous les sujets peuvent être abordés et cela offre aux jeunes la possibilité de mieux s’informer sur leur sexualité, d’être accompagnés et aidés en toute confiance sans jugement ni crainte de l’avis des autres. 

“Speachbot” a par ailleurs remporté le concours 42 entrepreneurs, qui leur a permis d’intégrer le programme d’incubation entrepreneurs de la Société Générale pendant 6 mois, l’appel à projets Atout Soleil, de l’association GPMA, sur le thème “bien traverser son adolescence”. 

The Good : Quels sont les enseignements clés que l’on peut tirer du dernier hackathon organisé par l’ECV et dédié au numérique responsable ? Les enjeux propres à cette question ont-ils trouvé leur solution ? 

A.M. : Le hackathon annuel de l’ECV Digital, organisé par le campus de Nantes en novembre dernier, avait pour objectif de faire travailler nos étudiants sur le Numérique Responsable, sujet auquel ils sont sensibilisés tout au long de leur parcours de formation dans tous nos campus et pour lequel ils sont très engagés notamment sur la question de leur impact dans leur future vie professionnelle. Ce grand rendez-vous annuel est bien plus qu’une mise en situation réelle sur des problématiques et des enjeux actuels de notre société. Il s’avère être un grand moment fédérateur pour nos étudiants qui, au-delà de laisser libre cours à leur imagination ou la mise en application de leurs compétences acquises pendant leur formation, leur permet de prendre conscience qu’un défi social et/ou environnemental amène souvent à la création d’un défi technologique. Ils peuvent donc en tant que spécialistes du digital agir concrètement sur les enjeux environnementaux et sociétaux.  

Dans le cadre de ce hackathon, axés sur les enjeux d’éco-responsabilité, de construction de solutions numériques responsables et d’apprentissage, des solutions viables ont pu être trouvées et proposées par les étudiants. Il est aussi important de noter que leur dépassement, investissement et engagement sur le sujet seront sûrement accentués dans les prochaines années et guideront leur vision de conception du monde de demain. 

The Good : Parce que les mots comptent et influencent, des livres blancs co-écrits par les étudiants ont aussi récemment été publiés. Quels nouveaux aspects mettent-ils en lumière, que nous apportent-ils ? 

A.M. : L’ECV Digital intègre dans ses programmes la réflexion et l’analyse de la société en plus du secteur professionnel du digital. Les impacts de l’un sur l’autre sont évidents et permanents.

Les livres blancs qui sont produits, depuis 5 ans maintenant, lors de la 5ème année d’études amène les étudiants à se questionner sur l’influence qu’ils vont pouvoir avoir en tant que professionnel du digital. Que vont-ils pouvoir apporter au secteur du digital et à la société en général?

Les problématiques qu’ils portent sont essentiellement tournées vers le futur et l’évolution que peut prendre leur environnement à travers plusieurs thématiques (la consommation, la santé, le travail, le développement durable, …). Ils ont à cœur d’imaginer avoir un impact positif sur la société, le collectif, d’être utile. Leur livre blanc démontrent leur reflexion dans ce sens, quelque soit le thème abordé (les émotions face à l’écran, les jeunes et les réseaux sociaux, le bien-être au travail, …).

Au-delà d’une réflexion sur une thématique précise professionnelle, c’est surtout une vision positive de leur action qui est à retenir.

The Good : A en croire les projets en cascade au sein des écoles et les luttes citoyennes grandement portées par les jeunes, on pourrait penser que notre relève citoyenne se démarque. Pourtant, certains pensent qu’au cours de l’histoire (ex: mai 68), les jeunes ont toujours porté la révolte. Nos jeunes font-ils la différence ? 

A.M. : “Les jeunes ont toujours porté la révolte”, c’est vrai qu’ils en sont très souvent les portes-parole car ils représentent l’avenir. Mais il me semble avoir constaté que les revendications ont quelque peu évolué. Les revendications ont souvent été tournées vers “faites nous une place, nous les jeunes”, “nous comptons autant que vous”…, etc…Un questionnement sur la place de la jeunesse dans la société en général.

Aujourd’hui, les revendications sont plus tournés sur “aidez-nous à laisser une trace positive”, “nous ne voulons pas laisser un bilan négatif”, “nos actions doivent être mesurées et positives”. Avant, on se battait pour avoir de la place et pouvoir agir. Aujourd’hui ils se battent pour que leurs actions soient durables et positives.

Notre rôle, en tant qu’école est de les accompagner vers cette belle ambition, avoir un impact positif sur le global : “une action individuelle a un impact sur le collectif”. 

The Good : Cet engagement est-il seulement lié à la politisation citoyenne induite par le digital et l’urgence climatique qui se fait entendre ? 

A.M. : Le digital est un diffuseur, une caisse de résonance, un outil d’accessibilité à l’information. Il est donc indéniable qu’il joue un rôle important dans l’influence et la diffusion des modes de pensées. Mais ce n’est pas le digital qui a créé les prises de conscience et qui a fait naître ce besoin d’une société plus durable, plus éthique, plus responsable dans ces actes.

Cette jeune génération a pris conscience que les actes individuels avaient des impacts sur le collectif, elle se sert du digital pour mobiliser, diffuser, échanger, débattre.

The Good : Au regard de leur créativité, expertise, goût du risque et soif de vivre, il semblerait que les entreprises aient tout à gagner à les écouter. Comment créer des ponts entre ces deux mondes au-delà d’un contrat d’embauche individuel en sortie d’études ? 

A.M. : Il est primordial que les entreprises prennent conscience que les valeurs qu’elles portent et l’impact qu’elles ont sur la société est aujourd’hui un critère essentiel pour nos étudiants.

Au-delà d’un contrat en CDI avec un salaire intéressant, nos étudiants sont en quête de sens. Les entreprises doivent donc leur démontrer que c’est en intégrant leurs projets, leurs équipes qu’ils pourront avoir l’impact positif sur la société qu’ils souhaitent avoir.

Partir d’une vision micro pour mettre en avant l’impact macro. En étant plus présentes dans les innovations “GOOD” pour la société certainement et en démontrant leur volonté de s’inscrire dans un collectif “meilleur”. C’est la légende amérindienne du Colibri (“Je fais ma part”) : quelle part l’entreprise fait-elle pour la société ?

C’est en démontrant ce rôle que les entreprises pourront rendre fier cette nouvelle génération d’avoir participer à leurs projets.

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