Intelligence artificielle, écologie, liberté : les trois révolutions qui vont bouleverser le bureau dans 10 ans selon les salariés

C’est ce qu’il résulte du baromètre Paris Workplace 2023 SFL-Ifop qui explore les révolutions qui bouleverseront le bureau les 10 prochaines années.

Pour son 10ème baromètre Paris Workplace, SFL a décidé d’explorer les attentes et projections des salariés franciliens, à partir d’une question simple : à quoi ressemblera le bureau dans 10 ans ? À cette question, les 1 300 salariés interrogés apportent une réponse saisissante. Après les bouleversements des années covid, ils n’anticipent pas une pause mais au contraire une accélération des changements en cours, poussés par une triple révolution :

  1. L’accélération technologique et en particulier l’émergence de l’intelligence artificielle, avec ses bienfaits – gains de productivité avec des documents auto-générés – comme ses méfaits: destructions d’emplois perçus comme inéluctables, contrôle accru des télétravailleurs par des outils numériques ;
  2. L’avènement du bureau sur-mesure, « où je veux, quand je veux, comme je veux », sous- tendu par une forte aspiration à davantage de liberté individuelle. Le débat « présentiel vs télétravail » est presque obsolète car pour les salariés franciliens, il est acquis que les deux formes survivront dans un équilibre moyen « 3-2 » : 3 jours au bureau, 2 jours à distance ; ce bureau sur-mesure implique des conséquences très concrètes sur la géographie du travail (plus de travailleurs franciliens habitant en région), les services au bureau et les quartiers de travail (quartiers mixtes, centraux avec tous les services à portée de main) et même sur les horaires d’ouverture (bureaux ouverts H24).
  3. L’impact « réel » de la transition écologique sur le travail au quotidien – finis les « petits gestes » en matière d’écologie, on entre dans le dur. Les enjeux climatiques deviennent des déterminants très concrets de la façon de travailler, de se nourrir, de se rendre au bureau ou de voyager : une part certes minoritaire mais non-négligeable des salariés anticipent par exemple la fin des parkings voitures dans les immeubles de bureaux, la disparition de la climatisation et l’interdiction des voyages d’affaires en avion.

Mon collègue, ce robot ?

Et si la vague numérique, qui depuis 25 ans a transformé l’organisation des entreprises et permis l’éclosion de nouveaux modes de travail à distance…n’était en fait qu’un apéritif ?

Quand on demande aux salariés d’anticiper l’avenir du travail, ils l’imaginent bouleversé par l’innovation technologique, un sentiment sans doute inspiré par l’émergence spectaculaire de ChatGPT et autres logiciels d’intelligence artificielle : 55 % jugent probable que d’ici dix ans,

« l’intelligence artificielle génèrera tous les documents, afin qu’on n’ait plus qu’à les corriger », 41 % des salariés parient qu’ils « n’utiliseront plus de clavier, et commanderont tout à la voix »; et enfin 44% pronostiquent que « dans certaines réunions, les participants apparaîtront en hologramme » (62 % des – 25 ans !).

On se dirigerait donc vers le « meilleur des mondes » ? Pas vraiment. Lorsqu’on pose aux salariés une question volontairement radicale, « jugez-vous probable que l’IA remplace la majorité des emplois de bureau dans les 10 ans », 42% répond par l’affirmative, un score qui grimpe tout de même à 53 % chez les – 25 ans.

Dans un scénario digne de la série Black mirror, un grand nombre de personnes interrogées pronostique que les systèmes de contrôle sur les télétravailleurs vont s’accroître, 36 % pensent même que « en télétravail, la caméra devra être allumée en permanence », une crainte plus présente encore chez les salariés aux revenus modestes (52 %, soit 18 points de plus que les plus hauts revenus) qui pressentent une nouvelle division du travail avec un télétravailleur arrimé à son écran comme l’ouvrier l’était à sa chaîne de montage aux premières heures de l’industrie fordiste.

Alors doit-on pronostiquer l’avènement d’un travail déshumanisé ? De façon paradoxale, c’est tout le contraire qui se dessine si l’on en croit les souhaits et pronostics des salariés.

Car la constante observée depuis 10 ans dans les baromètres successifs du Paris Workplace se confirme dans l’enquête 2023 : le bureau reste un lieu de sociabilisation perçu comme indispensable. La vie sociale avec les collègues reste la première raison de venir au bureau – premier item cité au total par 48 % des répondants (+6 points en 4 ans) devant le fait de « travailler plus efficacement ». C’est particulièrement le cas pour les jeunes qui jugent à 62 % que leurs collègues « sont aussi des amis » (38% pour les +50 ans). La moitié des salariés jugent même que « le bureau est un lieu de vie, où il est agréable de passer du temps, et pas seulement un lieu de travail » (+ 12 points en 5 ans).

Dès lors, le temps libéré par la technologie pourrait-il être réinvesti dans les relations humaines ? C’est possible, puisque la moitié (49%) des salariés pronostique qu’« à l’avenir, on prendra davantage le temps de se parler au travail », ils sont même 70% des -25 ans à le penser.

Le bureau à la demande « où je veux, quand je veux, comme je veux »

Les salariés aspirent-ils à plus de travail à distance ou plus de bureau ? La question semble déjà dépassée tant une évidence s’impose au fil des enquêtes Paris Workplace : les salariés veulent les deux. Ou plus exactement, ils veulent en faire l’usage qu’ils souhaitent, avec une modulation qui dépend des moments de la vie, des moments de l’année, des conditions de logement et de l’organisation familiale. Bref une appétence surpasse les autres et tient en un mot : liberté.

Ainsi, une des hantises des salariés serait qu’on les contraigne dans leurs choix – 79 % font du travail à distance un critère au moment de choisir un poste Mais dans le même temps, 60 % sont hostiles

à l’idée d’être « obligés de télétravailler plusieurs jours par semaine ». 56 % souhaitent que dans 10 ans, les collaborateurs puissent organiser leur temps de travail comme ils le souhaitent (même si seuls 34 % jugent cette hypothèse probable).

Les salariés veulent, dans l’idéal, être libres de télétravailler et libres d’aller au bureau – d’ailleurs, l’idée de la « fin du bureau » existe moins aujourd’hui qu’hier. En 2020, 43 % des salariés estimaient que « Dans peu de temps, les entreprises n’auront plus besoin de bureaux ». Cette année, ils n’étaient plus que 34% à l’estimer probable.

L’évolution la plus frappante depuis 10 ans est précisément une faible évolution : en 2019, les salariés franciliens situaient le niveau idéal de télétravail à 1,6 jours par semaine, c’est désormais 2,3 jours soit seulement 0,7 jours de plus. Autrement dit, la crise sanitaire n’a pas impacté les souhaits des franciliens en termes de travail à distance autant qu’on l’aurait imaginé – elle leur a seulement permis de transformer leurs envies en réalité, en incitant les entreprises à passer à l’acte.

Et désormais, les salariés aspirent à la stabilisation d’un nouvel équilibre, le partage idéal entre travail en présentiel et à distance reste ainsi stable depuis trois ans, avec une légère majorité du temps passé au bureau. Bien entendu cette moyenne cache des situations personnelles variables

: ainsi les jeunes franciliens, moins bien logés que leurs aînés et en quête de relations sociales, sont demandeurs de travailler au bureau (2,9 jours en moyenne), au contraire des salariés qui subissent plus de deux heures de trajets aller-retour (2,3 jours).

Si les salariés anticipent la permanence d’un nouvel équilibre issu de la crise sanitaire, c’est qu’ils n’ont jamais été aussi bien au travail. Depuis le Paris Workplace 2021, on observe ainsi un phénomène inattendu : après 7 années de stabilité quasi-parfaite autour de 6,5/ 10, la note de bien- être au bureau s’est subitement élevée à 6,8/ 10 en 2021 et atteint même 7/10 cette année. En 2023, 17% des salariés accordent une note très élevée (9 ou 10/10) à leur bien-être au travail, c’est presque le double (+8pt) du chiffre de 2016. Ce chiffre, encourageant et bien établi grâce à un historique de dix ans, permet de nuancer le tableau généralement noir qui est dressé de l’état moral des salariés français.

Avec l’installation durable d’un nouvel équilibre bureau-télétravail, les salariés imaginent aisément que le nombre de travailleurs franciliens à s’installer en région va s’envoler, 57 % parient que

« habiter en Province et travailler à Paris 2 ou 3 jours par semaine deviendra une norme ». Si la réalité devait rejoindre les pronostics des salariés, on comprend aisément les conséquences considérables en matière de géographie du travail et d’organisation du territoire (boom des villes satellites de Paris), de mobilités (« wagons coworking » dans les trains…), et d’implantation des bureaux parisiens (à proximité des gares). 28 % des salariés vont jusqu’à imaginer que les immeubles de bureaux offriront demain « des chambres ou des espaces hôtellerie pour passer une nuit au bureau ».

Si vraiment on utilise le bureau comme on regarde une série Netflix, à la demande, alors celui- ci devra dans dix ans être accessible en permanence, 24h sur 24, 7 jours sur 7 : 39 % des salariés parient que ce sera devenu une norme d’ici dix ans. Plus accessible, le lieu de travail sera aussi multi-usage : un peu moins de la moitié des salariés pense que leurs bureaux intègreront des services médicaux (salles de consultation, rééducation) à 44%, mais aussi des services de bien-être (coiffeur, soins, massages), à 40%, et même des espaces pour accueillir des animaux de compagnies, à 31% !

Dans le bureau de demain, on pourra appuyer sur les touches « play » et « stop », autrement dit suspendre sa journée de travail pour réaliser une activité d’ordre personnel – une pratique déjà établie en 2023 chez nombre de travailleurs de bureaux franciliens : 62% confessent s’absenter ponctuellement de leur lieu de travail pour « faire une course » (+9pts depuis 2018), 53 % pour « aller à un rendez-vous médical » (+15pts depuis 2018) et même 30 % pour « faire un aller-retour à son domicile » (+10pts). Logiquement, les bureaux situés dans les quartiers mixtes sont plébiscités – à choisir, 80 % des salariés préfèreraient travailler dans un « quartier mixte, comprenant bureaux, commerces et logements » plutôt que dans un « quartier d’affaires » constitués principalement de bureaux.

Puisqu’on désire disposer d’un bureau taillé sur mesure, on est très attentif à son futur lieu de travail au moment de choisir son futur poste – ainsi les salariés affirment que les bureaux ont été « un facteur important au moment de choisir leur entreprise actuelle » (55%, soit + 25 points en seulement 6 ans). L’évolution chiffrée est spectaculaire et elle s’est maintenue post-covid, alors même que l’essor du télétravail a éloigné les salariés de leur lieu de travail.

Les années 2030 verront, à en croire les pronostics des salariés interrogés, l’avènement d’une société “hyper-mobile”, dans laquelle le travailleur bouge pendant la journée, pendant la semaine, dans son quartier (en multipliant les activités), au sein de son bureau (en changeant de pièce en fonction de son activité : produire, se réunir, se détendre) et même en extérieur : ainsi 41 % des salariés pourraient travailler « en extérieur lorsque le temps le permet », soit 12 points de plus qu’en 2019, à une époque pré-covid.

Dans cet environnement où tout bouge, un repère indéboulonnable continuera néanmoins à occuper une place centrale : la nourriture. En France, plus qu’ailleurs (cf. le match des capitales, étude Paris Workplace de 2022) la restauration constitue un domaine clé de la vie au travail : pour partager un moment social avec les collègues d’abord, mais aussi comme élément de la qualité de vie et même d’efficacité au travail. Les salariés sont toujours plus nombreux (66% ; + 8pts en 4 ans) à juger que la restauration d’entreprise a un impact positif sur la performance de leur entreprise. C’est d’ailleurs le premier service que demandent ceux qui n’en ont pas. A contrario, 30 % des télétravailleurs estiment que le travail à distance rend plus difficile la prise d’un déjeuner de qualité. Sans surprise donc, les premiers services dont les salariés souhaitent bénéficier en priorité demeurent « un espace de restauration » (mentionné au total par 57% d’entre eux) suivi de près par « un café, une cafétéria » (52%).

Écologie – ça y est, on entre dans le dur

Dans les précédentes éditions du Paris Workplace, les salariés affichaient leur sensibilité aux questions environnementales tout en confessant que les mesures prises par leurs entreprises ou eux- mêmes se limitaient encore à des “petits gestes”.

Ces gestes éco-responsables sont tous en progression depuis trois ans, parfois de façon nette : 74% des salariés jugent que leurs entreprises les encouragent à “limiter leur consommation d’énergie” (+ 17 points depuis 2021), à favoriser les mobilités douces (déplacement en Vélo, trottinette etc.) (+ 8 points) ou encore à trier les déchets (+ 5 points).

Demain, tout change. Les salariés n’hésitent pas à imaginer des évolutions radicales dans un laps de temps court : comme un symbole, 45% des salariés (53% pour les plus hauts revenus) estiment probables que dans 10 ans, “les déplacements professionnels en avion seront interdits ou fortement limités”. Ils sont même 62% à le souhaiter.

Qu’en est-il des mesures touchant le travail au quotidien ? Une part non-négligeable de salariés imaginent des mesures drastiques – 4 personnes sur 10 parient qu’il n’y aura “plus d’eau chaude dans les sanitaires” de leur bureau afin d’économiser l’énergie, et 28 % imaginent même “qu’il n’y aura plus de climatisation dans les bureaux”. Même la restauration, dont on a vu plus haut qu’elle constituait un repère universel pour les salariés, n’est pas épargnée – ainsi 21 % des salariés pensent que la viande sera carrément interdite dans les restaurants d’entreprise (35 % des – 25 ans contre 15 % seulement des + 50 ans).

Les trajets du quotidien, eux aussi, vont changer. Les salariés anticipent la réduction du trafic automobile à Paris intramuros et un tiers d’entre eux (36%) parient même que, dans 10 ans, les parkings seront réservés aux vélos. Un chiffre qui reste minoritaire mais à mettre au regard de l’utilisation croissante du vélo comme mode de transport pour se rendre au travail (13 % l’utilisent soit un doublement en l’espace de 3 ans).

La transition écologique ne se résumera pas, heureusement, à une suite d’interdiction. Les bâtiments seront plus intelligents – 69 % des salariés misent sur l’avènement de bureaux où “la lumière et le chauffage seront adaptés automatiquement en fonction de l’occupation du bâtiment”. Et ils seront plus verts aussi, au sens propre du terme – 4 salariés sur 10 jugent ainsi probable que les façades des immeubles de bureaux soient systématiquement végétalisées.

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