Changer ou disparaître : les centres commerciaux en pleine mutation

Ces dernières années, les centres commerciaux ont été mis à rude épreuve. La digitalisation, de nouvelles habitudes d’achat responsable comme la seconde main ou la réparation, et surtout la crise sanitaire ont fait basculer ces temples de la consommation du côté des commerces « non-essentiels ». Historiquement prisé pour sa commodité, ce lieu de vie est-il voué à disparaître ? Pas s’il se réinvente. Car ces surfaces peuvent trouver une nouvelle utilité dans leur rôle territorial, vecteur de liens entre les parties prenantes, et leur capacité à offrir des expériences pleines de sens aux nouveaux consommateurs.

4 nouveaux types de consommateurs

Qui sont-ils, justement ? Qu’on parle de clients, de collaborateurs, de citoyens ou d’habitants, l’attractivité passe aujourd’hui par l’affinitaire. Et pour répondre à leurs aspirations, il est essentiel de bien cerner les différents profils d’usagers.

Une enquête de Pixis Conseil identifie les 4 grands types de consommateurs d’aujourd’hui. Le « pulsionnel », tout d’abord, motive ses achats non par le besoin mais la bonne affaire. Ce profil en décroissance cède la place progressivement au client « générationnel », dénicheur de tendances, de nouveautés, et incollable sur la communication des marques, leurs valeurs. Le profil « citoyen » est également en pleine croissance : il a conscience des nouveaux enjeux environnementaux et sociétaux et veut être acteur du changement. Contrairement au pulsionnel, ceux-ci sont peu sensibles aux promotions et leur préfèrent les preuves d’engagement. Enfin, reste l’« indécis », tantôt engagé tantôt dépensier, séduit par le Black Friday autant que par les marques écolo. Son comportement est emblématique du green gap, soit l’écart entre la volonté d’agir pour l’environnement et les actes, pas toujours à la hauteur.

Et si le centre commercial devenait festival ?

L’analyse de ces nouveaux profils révèle la transformation des attentes vis-à-vis du centre commercial. Consommateurs et citoyens ont envie d’un lieu à impact positif, dont la vocation n’est plus seulement marchande mais fédératrice et innovante. Adieu ces « coquilles vides » qui hébergent une diversité d’enseignes sans réelle cohérence. Place aux centres prescripteurs d’un mode de vie responsable, porteurs d’un projet ouvert et inclusif, qui répond vraiment aux désirs des parties prenantes.

Le parcours du shopper devient alors une expérience pleine de sens. On ne se contente plus de consommer ou de se divertir ; comme dans un festival, on y vient pour découvrir, apprendre, donner, réparer, partager avec les différents acteurs locaux : habitants, fournisseurs, commerçants, artisans … Le lieu ne subit plus le diktat des marronniers mais crée sa propre actualité, ses temps forts en lien avec ses valeurs et son écosystème. La semaine des artisans, la foire aux jobs, la semaine intergénérationnelle, les portes ouvertes des fournisseurs, la saison du troc, le hangar qui répare, la fête de la musique : les options sont infinies, pourvu que l’expérience soit palpable, manifestement cohérente, utile et … joyeuse !

Gouvernance et business model en pleine réinvention

Pour y parvenir, la gouvernance même du centre commercial doit évoluer. Selon Tarik Chekchak de l’Institut des Futurs Souhaitables, l’organisation pyramidale n’est efficace qu’en période stable, dans un environnement lisible. Lorsqu’il devient instable avec beaucoup d’inconnues, l’étape incontournable est de se (re)poser la question fondamentale : quelle est la raison d’être du centre commercial ? C’est le moment pour faire émerger la communauté des parties prenantes et de réfléchir à une vision partagée. Le but est de créer une communauté d’intérêts porteuse d’opportunités et de synergies. Cette forme de gouvernance partagée adresse la complexité, s’inscrit dans le temps long et s’avère être très efficiente en période de métamorphose.

Le modèle d’affaires évolue aussi en fonction de cette gouvernance réinventée. La proposition de valeur du centre commercial n’est plus indexée à son offre, mais à tout ce qu’il a à offrir. Sa viabilité tient à de nouveaux services, y compris non marchands (crèche, coworking …) et de nouveaux usages, selon le principe de la chrono-occupation : un parking qui se transforme en place de marché le dimanche, un toit végétalisé qui accueille des écoliers, un hall qui abrite des cours de sport les jours de pluie …

Le local est aussi une piste de rentabilité selon Loïc Fel, cofondateur d’Influence for Good. Certes, les grandes enseignes seront toujours des locomotives pour le centre commercial, mais en ouvrant ses portes aux acteurs ultra-locaux, il s’attire de nouveaux revenus. Et pourquoi pas devenir lui-même média, comme une régie ouverte à tous qui partagerait les informations citoyennes, les actualités des associations, les appels à projet ? Valoriser ce qu’il y a de meilleur sur chaque territoire et créer du commun : et si c’était ça, la nouvelle raison d’être du centre commercial ?

Nicolas Neau
Nicolas Neau
Planneur créatif et associé chez Pixelis Mini Bio : Nicolas a fait du brand management et de l’accompagnement des marques en transition son cœur de métier chez Pixelis. Il inspire et accompagne les marques dans leurs transformations positives ; et il pilote les outils de veille et prospective au sein de l’équipe du Planning Stratégique.

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