Du 28 au 30 avril 2025, le Global Climate Finance Forum 2025 (GCFF) a réuni à Montego Bay, en Jamaïque, plus de 50 acteurs internationaux : investisseurs, décideurs publics, et PMEs, venus de plus de 15 pays. Leur objectif : rééquilibrer la finance climatique mondiale pour enfin rediriger les capitaux vers les solutions locales portées par le Sud global.
Pourquoi est-ce si crucial ? Parce qu’on rate actuellement systématiquement la cible. Selon le World Economic Forum, seulement 15 % des financements climatiques mondiaux atteignent directement les pays du Sud global; alors même que ces régions concentrent la majorité de la population mondiale, enregistrent la plus forte croissance des émissions, et subissent de plein fouet les impacts du dérèglement climatique.
La rencontre d’acteurs légitimes sur le sujet et les échanges à l’occasion de ce sommet, ont permis d’établir des critères pertinents et efficaces. Voici les 4 leviers concrets issus des échanges du GCFF 2025 qui, selon les participants, sont de nature à transformer en profondeur la finance climatique mondiale.
1. Utiliser les avantages fiscaux pour orienter l’investissement vers le Sud global
Les instruments fiscaux sont aujourd’hui un levier sous-utilisé pour rediriger les flux financiers vers les solutions climatiques portées par les pays du Sud. Dans de nombreux pays du Nord, les dispositifs d’incitation à l’épargne ou à l’investissement (comme les Plans d’Épargne Retraite (PER) en France) n’intègrent pas la possibilité de financer des entreprises ou projets climatiques issus du Sud global. Cela prive les épargnants engagés d’une voie d’action concrète, et bloque l’accès à une source de capitaux pourtant massive. Pour rééquilibrer les flux, il est urgent de créer des cadres fiscaux favorisant l’investissement à impact international, en s’inspirant par exemple de plateformes comme Climate Solution Stocks, qui permettent d’investir dans des entreprises climatiques opérant dans des contextes à forte vulnérabilité. En élargissant l’éligibilité des produits d’épargne et en offrant des incitations fiscales aux investisseurs particuliers ou institutionnels, les États peuvent devenir de véritables moteurs du financement climatique juste.
2. Faire des gestionnaires de fonds locaux les pivots du changement
Le déploiement de financements vers le Sud global nécessite une connaissance fine des écosystèmes entrepreneuriaux et des chaînes de valeur locales. Or, ce sont les gestionnaires de fonds locaux qui, étant les plus proches des opportunités, sont les mieux placés pour identifier les projets à fort impact, accompagner les porteurs de projets et évaluer les risques. Pour cela, les structures financières du Nord global doivent être conçues pour les intégrer. Il faut renforcer leur accès aux fonds internationaux, mais aussi leur déléguer davantage de responsabilités dans les dispositifs existants (fonds verts, mécanismes multilatéraux, etc.).
3. Renforcer la visibilité des PME climatiques du Sud
Les PME et start-up qui adressent les sujets liés au climat du Sud global sont nombreuses : ce sont ces territoires qui sont les plus impactés, et les acteurs économiques locaux sont en ordre de marche. Ces PME sont, par nature, agiles et innovantes, mais elles sont souvent invisibles pour les investisseurs internationaux. Il est donc important de créer des campagnes de mise en lumière ciblées, via des plateformes en vue de les mettre en lumière, des événements de matchmaking et la production de données fiables sur leur performance. L’objectif est de bâtir une passerelle entre investisseurs du Nord et PME climatiques du Sud.
4. Aligner la notation du risque dans les pays du Sud avec la réalité
Dernier levier, mais non des moindres : la perception du risque dans les pays du Sud reste un frein majeur pour nombre d’investisseurs. Par exemple, les évaluations des 3 plus grandes agences de notations Moody’s, Fitch et S&P Global sont souvents critiqués par les chef d’états Africains de délivrer des notations erronées, injustifiés, impactant la confiance des investisseurs et augmentant le coût des emprunts pour ces pays. Cette vision, souvent déconnectée de la réalité, limite drastiquement les flux de capitaux. Il est temps de changer de narratif à travers une stratégie de communication internationale, portée conjointement par les États, les agences de notation et les acteurs privés. Cette stratégie doit valoriser les réussites locales, la résilience des écosystèmes entrepreneuriaux et la rentabilité des projets climatiques du Sud global.
Les participants du Global Climate Finance Forum 2025 l’ont démontré : les solutions existent. Réorienter la finance, c’est réconcilier justice climatique et efficacité économique. C’est aussi répondre à une demande croissante d’investissements à impact dans des régions en pleine mutation. Ceux qui subissent le plus les impacts du changement climatique doivent aussi être les plus proches des capitaux nécessaires pour y répondre.
La balle est désormais dans le camp des institutions financières et des États, à quelques mois de la COP30 qui se tiendra au Brésil. Les discussions qui s’y tiendront, au cœur même du Sud global, sont l’occasion de se mobiliser pour placer enfin le Sud global au cœur des décisions financières internationales.
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Par Marilyn Waite, directrice générale du Climate Finance Funds