Le Nutri-Score a failli devenir obligatoire… avant d’être stoppé net. À trois voix près, l’Assemblée nationale a rejeté la généralisation de ce repère nutritionnel pourtant plébiscité par les experts de santé. Entre pressions industrielles, bataille juridique européenne et fractures politiques, ce vote relance une question brûlante : qui protège vraiment le consommateur ?
Horizons & Independants' MP and president of the committee on social affairs Frederic Valletoux speaks during the debate on the 2026 Social Security budget bill at the National Assembly, the French Parliament lower house, in Paris on December 2, 2025. (Photo by Thomas SAMSON / AFP)
Après avoir voté pour le principe début novembre, les députés ont finalement repoussé le 3 décembre une mesure visant à généraliser l’affichage sur de nombreux emballages d’aliments du Nutri-score, le gouvernement estimant la mesure inadaptée, et contraire aux normes européennes.
Adoptée en première lecture à l’Assemblée, la mesure visant à imposer l’affichage de cette échelle de notation des aliments pouvant aller de A à E, avait ensuite été rejetée au Sénat, dans le cadre de l’examen du projet de budget de la Sécurité sociale.
Les entreprises qui refuseraient d’afficher cette information seraient pénalisées d’une taxe de 5% sur leur chiffre d’affaires, dont le produit serait affecté à l’Assurance maladie.
A l’Assemblée, des députés de gauche et du MoDem ont défendu divers amendements allant d’une généralisation large à un dispositif plus restreint, avec des exceptions pouvant être décrétées pour certains produits (appellation d’origine contrôlée (AOC), Label rouge, etc.).
Pour LFI, Loïc Prud’homme a défendu une généralisation assez large, pour lutter contre des « épidémies de maladies chroniques » liées à « la malbouffe« . Jean-François Rousset (Renaissance) a lui soutenu un Nutri-score qui ne pèse pas sur « les produits de nos terroirs, les AOP, les IGP... ».
La ministre de la Santé Stéphanie Rist s’est elle opposée aux amendements, préférant « poursuivre l’augmentation du nombre de produits étiquetés avec le Nutri-score sur la base du volontariat« , et soulevant un « problème de droit européen à vouloir le rendre obligatoire« . « Une obligation nationale isolée risque de créer une insécurité juridique et une distorsion du marché« , a abondé Sandrine Dogor-Suchs (RN).
« Ferrero, Lactalis, Coca-Cola, Mars, Mondelez, Danone, Kraft, Unilever international ont gagné »
Soutenus par l’essentiel de la gauche, malgré une poignée d’abstentions, et par une partie du camp gouvernemental, les amendements ont été repoussés de justesse (120 voix contre 117).
Avec ce vote, « Ferrero, Lactalis, Coca-Cola, Mars, Mondelez, Danone, Kraft, Unilever international » opposés à « cette mesure de santé publique », ont « finalement gagné, de justesse », tandis que « les consommateurs ont perdu le droit fondamental d’être informé sur la qualité nutritionnelle des aliments », a déploré Serge Hercberg, professeur de nutrition et cocréateur du Nutri-Score.
Sur un autre volet les députés ont en revanche adopté la version sénatoriale d’une taxe sur les boissons énergisantes alcoolisées, ciblant notamment de nouveaux produits particulièrement prisés des jeunes comme la boisson « Vody ». Mais selon plusieurs députés l’écriture sénatoriale engloberait un trop grand nombre de boissons mélangeant alcool fort et ingrédients sucrés et aromatisés.
Frédéric Valletoux, président Horizons de la commission des Affaires sociales favorable à une taxe sur les « Vody« , a jugé que cette version pourrait « toucher des productions alcoolisées, traditionnelles« , y compris des « rhums fuités » et de « petites productions régionales« . Il a annoncé qu’il solliciterait un nouveau vote sur cette mesure.
Photo : Le député Horizons & Indépendants et président de la commission des Affaires sociales, Frédéric Valletoux, prend la parole lors du débat sur le projet de budget de la Sécurité sociale pour 2026 à l’Assemblée nationale, la chambre basse du Parlement français, à Paris, le 2 décembre 2025. (Photo : Thomas SAMSON / AFP)