09/09/2025

Temps de lecture : 3 min

Pub responsable : l’Europe peut-elle résister aux GAFA ?

Une amende record pour Google, un marché publicitaire en quête d’équité : l’Europe peut-elle vraiment peser face aux géants américains ? Réponse avec Grégoire Audibert, fondateur de Winter Mushroom, qui défend une autre voie : celle d’une publicité plus transparente, plus responsable… et plus européenne.

La sanction record infligée par Bruxelles à Google relance le débat : l’Europe peut-elle vraiment rééquilibrer le marché publicitaire face aux géants américains ? Transparence, équité, innovation… autant de leviers pour bâtir une publicité plus responsable. Pour en parler, The Good a interrogé Grégoire Audibert, fondateur de Winter Mushroom, spécialiste de la publicité ciblée éthique et de l’affichage intelligent.

 The Good : Cette sanction peut elle réellement rééquilibrer le marché publicitaire ? 

Grégoire Audibert : Concernant la sanction que l’UE a infligé à Google pour abus de position dominante, je pense qu’il faut plutôt voir cette colossale amende comme un taxe européenne sur un acteur qui fait beaucoup de business avec l’UE sans trop y payer de taxes. Google n’a pas été démantelé, Google fait appel de la décision et Trump aura probablement le dernier mot avec ses menaces de droits de douanes, donc à mon avis Google va parfaitement conserver ses parts de marché.

Ce qu’il faudrait pour ré-équilibrer le marché c’est d’une part que les acteurs européens de la pub fassent une meilleure évangélisation des solutions européennes qui ne reposent pas sur des super acteurs de la tech américaine, et d’autre part que les annonceurs jouent le jeux. Il existe des solutions innovantes sur le web comme par exemple oursblanc.io ou dans les magasins comme nous Winter Mushroom mais le travail est long pour faire changer les habitudes des communicants.

The Good : L’écosystème Adtech européen peut il se reconstruire face aux géants américains ?

Grégoire Audibert : Sans vouloir bacher personne je ne suis pas sur qu’il ai déjà été construit, nous avons eu de belles réussites dans le secteur comme Criteo par exemple mais on voit bien que les plus gros acteurs de la pub sont en fait adossés à un media très puissant (Google avec le moteur de recherche, Meta avec Facebook et Instagram, etc…). A ma connaissance nous n’avons pas en Europe de vecteur d’audience aussi puissant.

Pour que cela fonctionne il faudrait l’émergence d’un prochain réseau social made in Europe avec un reach global dans le monde et c’est plus facile à dire qu’à faire. Je pense qu’au mieux l’Europe peut utiliser sa forte capacité à innover pour proposer des « briques » de la chaine de valeur publicitaire et essayer de globaliser ces solutions, ou peut être avons nous une carte à jouer sur le DOOH (Digital Out Of Home) et le retail media qui n’est pas encore un univers ou le marché s’est rationalisé sur quelques acteurs.

The Good : Quelles sont selon vous les nouvelles attentes des annonceurs en matière de transparence et de performance ?

Grégoire Audibert : Je ne veux parler pour personne bien sur mais je pense que l’on note un changement dans le marché, tourné vers plus de données et de traçabilité. Il y a quelques temps le marché publicitaire, notamment avec l’avènement du programmatique était assez opaque sur l’endroit ou était diffusé la publicité, et sur qui avait cliqué dessus. De mémoire on a même parlé d’au moins 40% de clics sur une pub faite par des robots sur internet. Ce manque de transparence à créé plein d’acteurs de « certification » ou de traçabilité qui permettent aujourd’hui à l’annonceur de mieux comprendre ou va son argent et ce qu’il a occasionné comme produit.

Je pense que dans le contexte actuel ou les budgets se restreignent, ce besoin va s’amplifier et les annonceurs vont chercher toujours plus de retour sur investissement, ce qui devrait limiter les campagnes de reach pur, très couteuses, et créer de nouveaux besoins, notamment dans le retail media, de ciblage publicitaire et de mesure de la performance.

The Good : Plus globalement, quelles sont les conditions d’un marché publicitaire plus saint et plus équitable ?

Grégoire Audibert : Le marché publicitaire, par essence, tend vers un plus grand besoin de données des consommateurs, pour offrir un meilleur ciblage publicitaire aux annonceurs. Or le problème c’est que les règles européennes sont restrictives pour nos entreprises européennes et assez peu pour les acteurs américains. D’un point de vue politique le meilleur exemple de ce problème est l’interdiction de Google Analytics par la CNIL qui avait fait un tollé en France, puis immédiatement après une nouvelle version « légalisée » qui n’avait en fait résolu aucun problème de collecte de données sans consentement.

D’un point de vue technique, tant que les serveurs des grands media américains utilisés pour les consommateurs européens seront sur le sol américain, alors nous n’aurons aucun contrôle dessus (Cloud Act > RGPD). Pour moi la base d’un marché qui serait plus équitable serait que les entreprises européennes joues a armes égales avec les entreprises étrangères sur leur propre sol. La base d’un marché plus sain serait de contraindre les entreprises étrangères plus fermement pour une meilleure protection de nos consommateurs ET des règles du jeux égales pour les acteurs de la pub.

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