Nathalie Rozborski (Maisons du Monde) : “ Nous voulons faire la démonstration que la transition, l’engagement, ça peut être divertissant, beau, fun”

Maisons du Monde lance le mouvement Good is Beautiful. Mouvement de marque, mouvement RSE, il se veut universaliste et relève le pari de faire du désirable durable. Nathalie Rozborski, Executive Director Brand et RSE de Maisons du Monde, nous détaille la vision derrière ce mouvement et les engagements pris par l’entreprise pour transformer ses activités et à terme, le secteur.

The Good : Vous avez dirigé de nombreuses années le cabinet de tendances Nelly Rodi et venez de rejoindre Maisons du Monde pour en prendre la direction générale RSE et marque. Quelle est votre feuille de route ?

Nathalie Rozborski : Je viens du monde de la prospective, avec un angle plutôt business et créatif. Je suis arrivée mi-novembre 2021 en qualité d’Executive Director, Brand et RSE, avec un projet très précis, celui d’accompagner Maisons du Monde pour en faire le leader européen de la maison désirable et durable. Il s’agit de faire en quelque sorte notre Coming Out RSE.

Cela fait des années que Maisons du Monde est hyper engagée, avec beaucoup d’actions extrêmement concrètes. Quand je suis arrivée, il était question de révéler cela dans un label produit illustrant l’écoconception. Au regard de l’étendue de nos actions durables, je trouvais dommage de ne pas valoriser l’ensemble de notre démarche, de ne pas l’encapsuler dans un mouvement plus stratégique. C’est l’objet de notre mouvement de marque Good is Beautiful lancé mi-février.

TG : Quelle est votre vision derrière ce mouvement de marque ?

NR : Nous sommes convaincus qu’il faut encourager une transformation de fond, réinventer des KPI de performance parce que la seule performance économique ne peut pas définir la qualité ou la performance d’une entreprise. En revanche, nous ne pouvons pas forcer les gens à dé-consommer, d’autant moins quand la consommation gourmande, stylée, inspirante fait partie de l’ADN de notre marque, qui a toujours eu pour vocation de rendre le style accessible, de le démocratiser pour le plus grand nombre. Le driver émotionnel numéro 1 de nos clients c’est la créativité, ce côté feel good shopping. Nos clients nous disent « moi quand j’ai un petit coup de mou, je vais chez Maisons du Monde pour me faire du bien et acheter un petit coussin, une bougie, un vase ». Ce sont des hédonistes qui cherchent un peu de poésie, de fantaisie, d’imaginaire, de style.

C’est tout le parti pris du mouvement Good is Beautiful : le bon ne doit pas vivre sans le beau et réciproquement. Nous ne voulons pas de dogme, ni de posture rébarbative, froide, descendante. Nous voulons, avec ce mouvement, faire la démonstration que la transition, l’engagement, ça peut être divertissant, beau, fun. Ce n’est pas une boucle fermée de gens sachant et dogmatiques. Et je crois profondément que si Maisons du Monde arrive à faire bouger les lignes du marché, vue la taille de notre entreprise, c’est justement nous qui allons faire bouger les mentalités.

Pour nous le chemin c’est désirable ET durable, l’un ne marche pas sans l’autre. Nous menons toute cette démonstration avec des assets créatifs forts – en faisant par exemple appel à l’illustratrice Marine de Quénetain ou Marie Faure Ambroise (My Travel Dreams). Nous voulons que ce mouvement soit très solide techniquement mais surtout, que ce soit quelque chose de beau, de joyeux, de très positif et dans une démarche assez humble. Nous avons conscience que nous ne sommes pas 100% parfait. Je crois que les marques qui gagnent aujourd’hui ne sont pas forcément celles qui sont parfaites, qui ont tout coché, mais ce sont celles qui disent la vérité, celles qui sont dans la sincérité, l’honnêteté, la transparence. C’est pour cela que sur la homepage de notre site, nous allons montrer comment avancent nos engagements.

TG : Justement, quels sont les engagements que vous prenez avec Good is Beautiful ?

NR : Nous avons défini 5 piliers pour prendre part au changement.

Le premier pilier, c’est l’engagement autour du produit, avec l’ambition de passer de 20% à 40% de produits responsables d’ici 2025, en portant attention au sourcing, au choix de matières éco-responsables, à la préservation des savoir-faire avec le Made In Europe.

Notre deuxième engagement repose sur les actions de la Fondation. Tout d’abord par la préservation des forêts et des arbres, en France et à l’international. Depuis 2016, nous avons donné plus de 5 millions d’euros à des associations de terrain. Ensuite, par la création de 100 lieux Good is Beautiful d’ici à 2025. Nous habillerons avec nos meubles des lieux tiers, comme la Fondation des femmes ou un centre LGBT, pour favoriser le bien-être par le beau. Ce pourra être également un soutien financier. Nous le ferons dans tous les pays où nous sommes implantés, Allemagne, Portugal, Espagne, Italie.

L’engagement numéro 3, c’est la politique RH. Dans le RSE, tout le monde se focalise sur le E alors que cela passe aussi énormément par le S, par le sociétal, le social. En intégrant les sujets RH et marque employeur dans Good is Beautiful, nous faisons résonner un mouvement d’entreprise et pas uniquement produit. Nous avons trois combats majeurs : le premier c’est l’égalité et la parité homme et femme. On a de très bons indicateurs sur le sujet, 50% du top 100 des managers sont des femmes. Nos dirigeantes – la directrice générale, la directrice RH, et moi-même sommes des femmes. Notre deuxième sujet, ce sont les jeunes. Nous avons signé des chartes de mentorat, nous favorisons l’alternance. Nous allons créer un club Good for Women (une émanation de Good is Beautiful), avec une curation par le Curiosity Club, pour favoriser l’empowerment des vendeuses de Maisons du Monde et développer la mobilité sociale entre magasin, réseau, siège. Et nous allons avancer très fort sur le troisième sujet, celui des personnes en situation de handicap.

Notre quatrième engagement, c’est la seconde vie. Nous réparons chaque année 20 000 produits dans notre atelier dédié près de Marseille. Nous sommes associés à des partenaires de l’économie sociale et solidaire pour favoriser le réemploi des produits, dont un partenariat national avec Emmaüs. Et dès l’an prochain, nous proposerons une offre de seconde main.

Enfin, notre dernier engagement, c’est la réduction de 25% de l’intensité carbone du groupe à horizon 2025. Les initiatives de transformation interne porteront sur le transport, la supply chain, l’énergie des magasins, la consommation des ressources, pour être reconnu comme un acteur plus vertueux. C’était important pour moi que l’on intègre cela dans Good is Beautiful. Quand les marques parlent de leurs engagements, elles insistent généralement sur les actions un peu « sexy », les produits, leur engagement sociétal. Or ce qui est le plus compliqué pour une entreprise, c’est de se transformer de l’intérieur, dans ses pratiques.

Je voulais que ce mouvement soit très équilibré entre ce qui est valorisé par les consommateurs, et le travail des équipes. Il faut faire la preuve que s’engager, ça peut être divertissant, glamour, fun et dur aussi. Il faut le dire parce que c’est parfois faire des choix contre-intuitifs d’un point de vue de la performance économique.

Notre mission est de démocratiser et rendre le propos sympathique, accessible et émotionnel. Donner envie plutôt que de faire peur.

TG : Vous portez des ambitions fortes pour ce mouvement, appelant même d’autres entreprises à vous rejoindre. Comment la stratégie RSE d’une entreprise devient un mouvement général, en interne comme en externe ?

NR : Maisons du Monde, c’est une entreprise cotée en bourse, 8 628 collaborateurs, 357 magasins dans le monde, 95 000 produits vendus en Marketplace, 7,5 millions de clients en Europe. Nous faisons énormément de collections exclusives avec nos 25 stylistes, qui intègrent les processus d’écoconception et de co-développement avec l’amont de la filière, nos fournisseurs. L’échelle de transformation est colossale quand on passe de tels volumes de commande. C’est pour cela que j’ai cette immodestie de croire que si nous bougeons, ça va faire bouger tout le secteur. C’est un sujet de marque et de RSE, mais c’est aussi un sujet de filière, un sujet d’industrie. Ce que je veux c’est que la marque voyage ; que ce ne soit pas la marque d’une enseigne ou de produits, mais un mouvement, une marque culturelle, que tout le monde peut rejoindre.

Julie Walbaum, notre Directrice Générale, le porte très fort. Nous avons récemment adopté une raison d’être « groupe ». Et plutôt que d’en faire un mouvement de communication, nous préférons en faire un mouvement de transformation profonde, avec des KPI de pilotage de performance. C’est un sujet de stratégie de marque, qui doit être relié à la stratégie client. Nous avons tous dans nos plans un objectif RSE, à tous les niveaux de l’entreprise. C’est ambitieux. Il y a un vrai courage managérial.

Réussir le pari de faire du désirable durable.

TG : Quelle est votre stratégie pour embarquer vos clients dans votre mouvement ?

NR : Du côté des consommateurs-citoyens s’opère un mouvement de fond dans les besoins et les comportements d’achat. Nous croyons à cette

stratégie de l’action concrète, qui passe par de l’humain, par le quotidien – comme l’a très bien résumé la philosophe Marie Robert : « des petites actions plutôt que des métas récits ». Il faut des actions faciles, appropriables. Notre mission est de démocratiser et rendre le propos sympathique, accessible et émotionnel. Donner envie plutôt que de faire peur.

Nos profils de consommateurs sont très hétérogènes, nous devons prendre cela en considération. Nous devons nous adresser au plus grand nombre et pas seulement au « bobo parisien ». Revenir au bon sens. Ce que les clients attendent dans notre secteur c’est d’avoir une maison durable dans le temps (réparation, recyclage, customisation…), saine (au sens de l’innocuité) et désirable, au sens esthétique et créatif. L’écueil majeur c’est de se dire que la RSE c’est forcément un peu tristounet. Nous voulons faire la démonstration que l’on peut être créatif et inspirant, tout en travaillant des matières éco-conçues, etc… C’est ça le sujet pour moi. Réussir le pari de faire du désirable durable.

Notre rôle de marque c’est de vulgariser, démocratiser, sans imposer au consommateur. Nous devons toujours lui proposer une alternative responsable, pour qu’il puisse continuer à se faire plaisir, mais sans culpabilité. Il y a aussi un vrai sujet de prix. On ne peut pas choisir entre fin du mois, et fin du monde. Notre mission est universaliste.

Emilie Thiry
Emilie Thiry
Ex publicitaire reconvertie dans la communication corporate en 2011, puis dans la politique en 2015, Emilie est depuis juillet 2020 en charge du consulting et de la diversification des offres d’INfluencia. Elle dirige à ce titre The Good, la plateforme dédiée à la transformation écologique, sociale et solidaire des entreprises et des marques. Elle anime également un séminaire sur le monde de la communication en Master 2 Conseil éditorial à Sorbonne Université. Emilie est diplomée de l’IEP de Strasbourg et ancienne élève du CELSA.

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