05/06/2025

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Bientôt un prix pour la nature ? L’Union européenne ouvre le débat sur les crédits biodiversité

Financer la protection de la nature comme on compense le carbone ? L’UE lance une réflexion sur les « crédits nature », un outil financier encore flou, censé récompenser les agriculteurs et forestiers qui restaurent les écosystèmes. Si certains y voient un levier de transition, d’autres redoutent une nouvelle forme de greenwashing.

Et si protéger un arbre devenait aussi rentable que l’abattre ? C’est l’idée, encore embryonnaire, que l’Union européenne commence à explorer avec les futurs « crédits nature », ou « crédits biodiversité ». Objectif : inciter les entreprises à financer la restauration des écosystèmes, en achetant des certificats valorisant les bonnes pratiques environnementales sur le terrain.

Inspirée du modèle controversé des crédits carbone, cette initiative fait l’objet d’une première concertation entre agriculteurs, ONG, banques et institutions. « On peut gagner beaucoup d’argent en rasant une forêt, mais pas en la laissant vieillir », a regretté la commissaire européenne à l’Environnement, Jessika Roswall, en appelant à créer un « prix » pour les services rendus par la nature.

Concrètement, ces crédits pourraient permettre à un agriculteur qui plante des haies, préserve des zones humides ou favorise la biodiversité, d’être rémunéré par une entreprise désireuse de contribuer à la transition écologique. Un modèle déjà testé à petite échelle, notamment en France, en Finlande ou en Estonie, mais encore loin d’être structuré à l’échelle du continent.

Pour Bruxelles, il s’agit d’un complément aux financements publics, pas d’un substitut. Mais les ONG s’inquiètent. « Même la Commission ne sait pas ce qu’elle veut faire », alerte Ioannis Agapakis, juriste chez ClientEarth. À ses yeux, ces crédits pourraient ouvrir la voie à un greenwashing facilité, où l’on compenserait des destructions ici par des restaurations ailleurs, sans réelle cohérence écologique.

À l’international aussi, le sujet fait débat. Depuis la COP15 sur la biodiversité à Montréal, une vingtaine d’objectifs ont été fixés pour 2030, dont la restauration de 30 % des écosystèmes dégradés. Les « crédits biodiversité » figurent parmi les leviers financiers évoqués. Mais des garde-fous sont indispensables : un comité d’experts internationaux (IAPB) a récemment plaidé pour une compensation strictement locale – pas question de détruire une forêt en Europe et replanter en Afrique.

Alors que la Commission européenne entre en discussions budgétaires pour l’après-2027, ce débat ne tombe pas par hasard. Donner une valeur monétaire à la biodiversité : idée audacieuse ou dangereuse ? La partie ne fait que commencer.

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