29/08/2022

Temps de lecture : 3 min

La coopérative sociale à l’italienne, un modèle solidaire et rentable

Développée dans les années 80 pour sanctuariser la culture de la solidarité italienne, la coopérative transalpine est désormais un modèle de gouvernance étudié par ses voisins européens. Sa prouesse : dépasser les antagonismes des approches sociales et commerciales pour forger une économie solidaire et inclusive. Un succès qui a d’ailleurs favorisé leur résilience pendant la pandémie.

Développée dans les années 80 pour sanctuariser la culture de la solidarité italienne, la coopérative transalpine est désormais un modèle de gouvernance étudié par ses voisins européens. Sa prouesse : dépasser les antagonismes des approches sociales et commerciales pour forger une économie solidaire et inclusive. Un succès qui a d’ailleurs favorisé leur résilience pendant la pandémie.

L’Italie est un de ses rares pays dans le monde où la solidarité est inscrite dans la Constitution comme un droit inaliénable. L’article 45 dispose même que « tout gouvernement doit soutenir les coopératives ». Un cadre juridique qui a favorisé dès les années 60 l’émergence de coopératives caritatives dédiées aux besoins essentiels des personnes en difficulté (alimentation, habitation, etc.). Ces coopératives se frayèrent une place entre les services publics défaillants d’un État-providence en difficulté et un néolibéralisme galopant qui dégradait les conditions de travail des salariés. C’est ainsi qu’en 1976, face à la hausse du chômage, le statut des coopératives est consacré par la loi dans l’espoir d’une meilleure stabilité économique. Aux côtés des coopératives caritatives se développent peu à peu un versant plus commercial, des coopératives ‘marchandes’ destinées à produire des richesses tout en gardant une logique solidaire et locale. En 1996, plus de 3 000 coopératives italiennes sont déjà en activité, intégrant plus de 100 000 salariés et 10 000 bénévoles. Un développement fulgurant comme nulle part ailleurs en Europe, pour un modèle social de gouvernance qui intègre évidemment des salariés, mais aussi des bénévoles, des personnes sans emploi, des retraités.

40 000 coopératives pour 160 milliards de chiffre d’affaires

Trois principes traversent aujourd’hui les coopératives transalpines. D’abord un impératif de petite taille qui exige un certain goût pour la sobriété entrepreneuriale. Il y a en moyenne quinze salariés par structure, même si ces dernières se regroupent ensuite au sein de fédérations. Second principe, la territorialisation, qui nécessite de s’installer sur une province unique et d’embrasser une vision localiste de l’activité économique. Et enfin la spécialisation, qui exige une professionnalisation dans un secteur d’activité donné. En complément de ces trois principes, les coopératives ont une volonté de travailler à l’insertion des personnes éloignées de l’emploi. La loi prévoit notamment des allégements d’impôts et de charges sociales pour les structures qui emploient des travailleurs précaires. Pour se donner du poids économique, les coopératives ont pris l’habitude de se regrouper en consortium, autour d’une province voire d’une région entière. L’enthousiasme fut tel succès qu’en 2011, il y avait plus de 40 000 coopératives sur le territoire italien, contre 7 000 au Royaume-Uni et 20 000 aux États-Unis. 40 000 coopératives donc, pour 12,5 millions de sociétaires et 1 million d’employés, avec un chiffre d’affaires annuel de 160 milliards de dollars. Un chiffre considérable rendu possible par ce système de consortium, qui permet à une constellation de petites coopératives de collaborer avec de grosses entreprises. C’est le cas de Legacoop, une fédération de coopératives qui regroupe 15 000 coopératives italiennes.

La résilience en temps de crise

Dans les coopératives italiennes, les bénéfices sont directement réinjectés dans l’entreprise, ce qui favorise la résilience en temps de crise. En 2008, les coopératives italiennes ont statistiquement su tenir le choc en comparaison de leurs homologues capitalistes. Dans la région d’Émilie-Romagne, le système d’assurance des coopératives a permis à nombre d’entre elles de résister au choc de la pandémie. Une précaution salvatrice qui veut qu’une coopérative doit verser chaque année 3 % de ses profits à un fond de solidarité en cas d’imprévu économique. Pour celles qui n’ont pas tenu, Legacoop affirme que 60 % de ses sociétaires ont été réembauchés dans d’autres coopératives issues de secteurs très variés (construction, alimentaire, service, livraison, etc.). Reste que les coopératives doivent répondre au double défi de la capitalisation et de la compétitivité. Augmenter les investissements et rivaliser avec des géants du capital ne sont pas choses aisées dans une économie de marché. Une série de lois a été prise en ce sens, donnant naissance à de grandes structures comme Coop Italia, une entreprise coopérative de grande distribution avec plus de 1 500 magasins et un chiffre d’affaires à 14,5 milliards d’euros. Mais ce gigantisme génère du temps partiel, de faibles salaires et la concentration du pouvoir dans la main des 1 % actifs lors des réunions générales. Un dévoiement des coopératives pour les uns, la nécessaire adaptation à un système libéral pour les autres. L’intérêt des coopératives reste majeur, que ce soit en matière de qualité des activités économiques et des emplois créés, de proximité sociale et de lutte contre le repli sur soi, ou encore d’égalité d’accès et de démocratie coopérative. Des engagements sur lesquels les entreprises traditionnelles peinent à suivre la marche.

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