Alors que les océans représentent un levier décisif pour la transition écologique, le gestionnaire d’actifs DPAM (Degroof Petercam Asset Management) publie une note d’intention forte sur l’économie bleue. Objectif : convaincre que les marchés financiers peuvent jouer un rôle moteur dans la protection des écosystèmes marins. Mais derrière cette promesse d’une finance océanique vertueuse, des zones de flou subsistent.
Un secteur porteur… mais encore mal défini
L’ »économie bleue » recouvre un large spectre d’activités – de la pêche durable à l’aquaculture, en passant par l’éolien offshore, le tourisme côtier ou la dépollution marine. Pour DPAM, elle est surtout une « opportunité d’investissement sous-exploitée », avec un potentiel de croissance estimé à plusieurs milliers de milliards de dollars d’ici 2030. Mais dans les faits, le secteur reste éclaté, sans référentiel clair ni régulation unifiée. La finance bleue, encore balbutiante, court le risque de reproduire les effets d’aubaine déjà observés dans la finance verte.
Une vision prometteuse… qui mérite des garde-fous
DPAM affirme vouloir financer une transition bleue alignée sur les Objectifs de Développement Durable (ODD) et les principes ESG. L’idée : orienter les capitaux vers des entreprises qui préservent les ressources marines, réduisent leur empreinte plastique ou gèrent durablement l’eau. Sur le papier, la démarche est cohérente. Mais elle pose plusieurs questions : quelles garanties sur l’impact réel des investissements ? Comment éviter le bluewashing, cette dérive qui consiste à verdir des activités nocives sous couvert de durabilité marine ? Et surtout, quels outils de mesure fiables permettent d’attester d’un changement structurel, au-delà de la promesse narrative ?
L’eau, une ressource aussi critique que le climat
La note de DPAM rappelle un fait marquant : le commerce mondial d’eau virtuelle (celle utilisée pour produire nos biens) serait 400 fois plus important que celui du pétrole. Pourtant, l’eau reste encore marginale dans les stratégies d’investissement responsables. Intégrer sa gestion dans la réflexion ESG est donc une avancée bienvenue. À condition que cela se traduise par un changement réel dans les pratiques industrielles, et non par la seule valorisation de « bonnes intentions » en portefeuille.
Conclusion : la finance bleue peut-elle tenir ses promesses ?
L’approche de DPAM a le mérite d’ouvrir un débat nécessaire sur le rôle des marchés financiers dans la protection des océans. Mais comme pour la finance verte, tout dépendra de l’exécution : traçabilité des fonds, transparence des critères, impact mesuré sur les territoires. L’économie bleue ne pourra être un vrai levier de transformation que si elle échappe aux effets d’affichage, en s’alignant sur une gouvernance exigeante et participative.
Autrement dit : pour ne pas transformer l’horizon marin en simple toile de fond marketing, il faudra que la finance bleue plonge vraiment dans le réel.