« Aménager un site de six hectares en ville est une vraie chance ! », Frédéric Soulier (maire de Brive-la-Gaillarde)

Sur le site d’une ancienne caserne, la commune de Brive-la-Gaillarde (19), développe un grand projet d’aménagement qui mixe social, économie, culture et environnement. Visite des lieux en Corrèze avec le maire, Frédéric Soulier.

The Good : La commune de Brive développe un très gros projet d’aménagement sur un site de six hectares en ville. Voilà qui est rare. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce site ?

Frédéric Soulier : En 2010, la mairie a racheté la caserne Brune après le déménagement du 126e régiment d’infanterie, qui a occupé ce site de 6 hectares pendant plus de cent ans. C’est une chance de pouvoir récupérer une telle surface dans une ville !

Une réflexion a alors été engagée sur l’aménagement global. Le « plan guide » a été discuté durant 7 ans avec les architectes des Bâtiments de France, la Drac et l’ensemble des conseillers ! Les trois bâtiments historiques, qui ont 144 ans, hébergeaient des soldats. Ce sont des bâtiments peu larges, avec beaucoup de murs porteurs, et posés sur du sable. Nous conservons les façades, mais réhabilitons l’intérieur.

The Good : Quelle place faites-vous à la Nature dans ce projet ?

Frédéric Soulier : Nous voulons accompagner la transformation d’une ville très minérale à une ville plus végétale. Aussi, la place d’armes est devenue un parc urbain, le parc Simone Weil, qui représente plus de 7000m2. Le parc est terminé, même si quelques aléas de chantier freinent la continuité de son embellissement. Nous avons un contentieux avec l’entreprise qui a réalisé les miroirs d’eau car il y a un problème d’étanchéité, et donc de conservation de l’eau, mais nous allons le résoudre.

The Good : Qu’allez-vous faire de ces bâtiments ? Vont-ils être confié à des promoteurs qui vont « bétonner » ?

Frédéric Soulier : Brive est une petite ville de 50 000 habitants, et nous sommes dans une logique d’attractivité, qui est très importante pour moi. Mais nous voulons une croissance choisie pour préserver notre territoire et notre qualité de vie. Notre projet n’est pas immobilier !

Les trois bâtiments, après transformation, vont devenir un pôle culturel, un pôle résidence autonomie pour personnes âgée et un pôle économique. Nous avons engagé la transformation sur 4,5 hectares. L’Etat reste propriétaire d’une parcelle de 1,5 hectare que nous lui rachèteront, dans un second temps, pour créer un pôle enfance/petite enfance.

The Good : Pouvez-vous détailler ces différents projets et nous dire où en sont les opérations ?

Frédéric Soulier – Le pôle économique est déjà parti. Le bâtiment va accueillir des bureaux sur plus de 6300m2 de surface. Trois entreprises nationales vont s’y implanter, qui représentent 500 emplois. L’ensemble devrait être livré en 2027-2028. Nous sommes en plein concours de maîtrise d’œuvre.

Dans le deuxième bâtiment, nous allons créer un pôle culturel où Brive va regrouper ses activités culturelles, dont un conservatoire car l’ancien est vraiment trop petit. Nous en sommes au concours d‘architecture. Un dialogue compétitif est en cours. Le pôle devrait être livré en 2027-2028.

Dans le troisième bâtiment, il y aura un pôle résidence autonomie pour nos seniors. Les travaux ont démarré en novembre 2023. Construit par Kalilog (lire encadré « Reconstruire la ville sur la ville »), il va comporter 95 logements La livraison est prévue pour novembre 2025.

Le pôle enfance/petite enfance sera donc réalisé sur le terrain de 1,5 hectare qui appartient à l’Etat et que l’on va racheter. Nous allons également faire un parking souterrain de 500 places sur deux étages, entre le pôle culturel et le pôle enfance.

The Good : Comment le site s’intègre-t-il à la vie quotidienne de la commune ?

Frédéric Soulier : La caserne était un point mort. Elle était enfermée, cernée par une enceinte murale que nous avons détruite pour ouvrir cet espace et l’intégrer à la vie de la commune. Nous l’intégrons par connexions et par services. Cette ouverture nous éclaire sur un patrimoine vivant ; sur une vie militaire.

The Good : Est-il aisé de concilier rénovation d’un patrimoine historique et contraintes environnementales ? 

Frédéric Soulier : Il est effectivement compliqué de gérer les contraintes environnementales car nous ne sommes pas dans de la construction nouvelle, mais sur de la construction patrimoniale et nous devons garder l’essentiel des façades et des fenêtres, sur les trois bâtiments. Il ne s’agit pas de faire n’importe quoi. Nous avons travaillé sur le choix des matériaux qui sont biosourcés.

En ce qui concerne la RSE, nous sommes dans une logique d’appels d’offres publiques qui oblige les entreprises à respecter les obligations légales en la matière. Après, tout est question d‘équilibre car le projet doit être finançable.

Pour l’énergie, nous sommes sur un réseau biomasse, qui va permettre une énergie alternative sur tout le site. Nous avons déjà le réseau, nous allons simplement y raccorder ce nouvel ensemble. Nous avons déjà 23 km de tuyauterie ; cela fera 29 km avec la caserne Brune.

Brive a raccordé 100% de ses bâtiments publics et nous raccordons des privés des particuliers proches des tuyaux déployés. Dans une logique RSE, il est prévu que tout nouveau bâtiment construit est systématiquement raccordé au réseau de chaleur.

The Good : Le pôle enfance /petite enfance va-t-il vous permettre d’augmenter l’offre en termes de places et de berceaux ?

Frédéric Soulier : En ce qui concerne le pôle enfance, nous sommes davantage sur une logique d’amélioration du service rendu à la population. Réunir les trois écoles sur un site améliore l’offre d’accueil. Nous allons ainsi, optimiser la vie de l’école Louis Pasteur, qui est actuellement sur trois sites distincts. Nous ne créons pas de places supplémentaires dans les écoles, par contre, nous allons augmenter le nombre de berceaux proposés par notre crèche. Mais ce projet est à échéance de 4 ou 5 ans : des discussions vont être engagées avec la CAF.

The Good : Que va représenter ce site en termes d’investissements ?

Frédéric Soulier : Ces projets représentent un investissement global de plus de 100 millions d’euros. Mais ce budget n’est pas à la seule charge de la commune puisque, pour la résidence autonomie, nous sommes sur un portage de promotion. La commune finance le pôle culturel, qui représente un coût de 20 millions, et le parking, 15 millions. Pour le pôle économique, nous sommes sur une concession d’aménagement, qui a été confiée à notre société publique locale. C’est elle qui va porter les investissements.

Kalilog : « Reconstruire la ville sur la ville »

La réalisation de la résidence autonomie pour personnes âgées a été confiée à la société d’aménagement Kalilog (groupe Kaufman&Broad), qui a remporté l’appel d’offres à projets dans le cadre d’une offre groupée avec deux partenaires que sont Polygone, acteur social, et Enedis, comme gestionnaire d’une partie de ces logements. Ensuite, avec « nos équipes d’architecte, les Bâtiments de France et la mairie, nous avons longuement travaillé sur le projet », raconte Jacques Rubio, président de Kalilog. « Nous avons conservé les façades principales pour les réhabiliter et envisagé une extension. Il fallait trouver les bons compromis pour que tout le monde soit d’accord et que le projet soit viable économiquement. Le projet comporte 95 logements, du studio au 3 pièces, avec 900m2 d’espace de services tels salle de sports et restaurant ouverts au public pour favoriser les échanges intergénérationnels et 28 logements sociaux. Et 770m2 d’espaces verts »

Quant aux matériaux utilisés, difficile de faire dans le durable quand « il faut intégrer les contraintes des Bâtiments de France ; qu’il faut s’accorder avec l’existant. Et puis, le projet date de 2021 et même avant, les normes sont celles de l’époque de l’appel d’offres, soit 2020 … Si le projet devait être étudié aujourd’hui, il serait certainement étudié de façon différente. Nous étions en avance sur 2020 mais nous sommes en retard sur 2024. Ce n’est plus modifiable ; il faudrait revoir toute la conception ». Reste que la démarche, précise-t-il « est durable puisqu’il s’agit de reconstruire la ville sur la ville et de créer un îlot de fraîcheur. »

Marie Beirard
Marie Beirard
Grande curieuse de la planète média, mon chemin journalistique a arpenté la PQR et la presse professionnelle. Depuis une vingtaine d’année, j’ai chaussé mes godillots de rédactrice, SR/maquettiste, première SR et rédactrice en chef. Armée de mon crayon, je tente de comprendre les rouages de notre monde pour mieux le préserver. La RSE est pour moi une vraie boussole !

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