« Nous n’allons pas cacher que nous aurions préféré davantage, et plus d’ambition sur tout », a déclaré le commissaire européen au climat Wopke Hoesktra à l’issue de la COP30.
Qualifiée de texte « assez plat » et « sans ambition » par la ministre française de la Transition écologique Monique Barbut, la décision Mutirão, adoptée au terme d’une ultime nuit blanche de négociations, ne fait aucune mention de sortie des énergies fossiles, dont la combustion représente pourtant 80% des émissions mondiales de CO2..
La « transition progressive hors des énergies fossiles » avait été abordée pour la première et la dernière fois lors de la COP28 de Dubaï en 2023. Le président brésilien Lula, hôte de cette COP30, avait placé le sujet au cœur de l’agenda, avec le soutien actif de quelque quatre-vingts états. Une trentaine d’entre eux, parmi lesquels, l’Union européenne, avaient même menacé de signer tout texte qui n’en ferait pas mention.
Mais face à la vive opposition des pays producteurs, Arabie Saoudite et Russie en tête, ces derniers ont préféré battre en retraite que de porter la responsabilité d’une COP sans accord, synonyme d’un échec cuisant du mutilatéralisme.
A la place, un « accélérateur mondial de mise en œuvre » sur la base du volontariat fera l’objet de deux sessions intermédiaires et d’un rapport remis lors de la COP31, qui se tiendra en Turquie mais sous présidence australienne en novembre 2026. Et la Colombie, signataire en 2023 du traité de non-prolifération des énergies fossiles, organisera en avril hors négociations onusiennes une conférence internationale sur le sujet.
Les reculs sur le green deal plus graves que le manque d’ambition de la COP
Pour Franck Amalric, Sponsor du Domaine d’Excellence « Entreprises et Finance Durable » chez Square Management, cette COP était un échec annoncé en raison de l’absence des Etats-Unis mais aussi de la position européenne. Plus que les décisions prises lors des COP, ce sont en effet les réglementations telles que celles incluses dans le Green Deal qui orientent les décisions stratégiques et les investissements des entreprises.
Or celui-ci n’en finit pas d’être détricoté dans le cadre du paquet Omnibus, à commencer par les directives de reporting extra-financier CSRD ou du devoir de vigilance CS3D. Ces stop & go, qui déstabilisent les entreprises, nuisent en outre à la crédibilité des négociateurs européens dans les enceintes onusiennes.
« Jusqu’à présent, la mondialisation conduisait à une convergence économique et même industrielle, observe Franck Amalric. Mais ce n’est plus du tout le cas, et cela complique les choses pour les entreprises mondialisées. Quelle stratégie adopter pour un constructeur automobile quand les Etats-Unis ne veulent pas de voitures électriques mais que l’Europe les impose ? »
Sur la sortie des énergies fossiles, en particulier, le consultant rappelle que l’Agence internationale de l’énergie (AIE) démontrait dans son rapport de 2020 que la trajectoire net-zéro impliquait d’abord une baisse de la consommation énergétique, avant la substitution des hydrocarbures par de l’électricité verte.
« On a oublié la première partie du message, regrette-t-il, or la seconde ne peut advenir seule. » Mais diminuer notre consommation énergétique impliquerait une transformation en profondeur d’une partie de notre économie, et de notre commerce extérieur. Et, de même que pour le CO2, la moindre consommation énergétique observée dans certains pays est largement compensée par celle dépensée pour nos importations. Sans parler du développement exponentiel de l’IA et de l’explosion de la dépense d’énergie qui l’accompagne.
« États comme entreprises, chacun attend que l’autre fasse des efforts, observe Franck Amalric. Aucun pays n’est prêt aux transformations colossales qui seraient nécessaires. Seul le Green deal était porteur de cet espoir », conclut-il. Contrairement au soulagement de certains après une COP qui, cahin-caha, est parvenue à faire adopter un texte, il constate « un échec du multilatéralisme sur ces sujets depuis 1987 et la publication du rapport Brundtland. (fondateur du concept de développement durable, ndlr) »
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Crédits photo : Photo par PABLO PORCIUNCULA / AFP