Dans le cadre de son programme « Entreprise et Progrès entre en résistance », le think tank Entreprises et Progrès a reçu deux grands dirigeants qui continuent leurs transformations durables. Cécile Béliot, directrice générale du groupe Bel, pour qui « l’alimentation est l’enjeu majeur de la transition écologique » a pu s’entretenir avec François Clément-Grandcourt, directeur général de la division briquets chez BIC.
Deux univers différents, l’agroalimentaire et l’industrie, mais qui partagent une même conviction : la transition écologique est une question de survie pour les entreprises.
Pour Bel, nourrir durablement commence dans les sols
« Il n’y a pas un agriculteur au monde qui ne soit inquiet pour la santé de ses sols », rappelle Cécile Béliot.
Pour Bel, l’alimentation concentre tous les enjeux : la santé des femmes et des hommes bien sûr, ainsi que le bien-être des agriculteurs qui nous nourrissent, et la santé de la planète. 70 % de l’eau utilisée dans le monde l’est pour produire de quoi se nourrir, la chaîne alimentaire est responsable de 33 % des émissions de gaz à effet de serre, avec des impacts massifs sur la biodiversité. « L’alimentation, c’est la base de tout », résume-t-elle.
Le groupe a donc fait de la transformation agricole son premier levier.
Depuis la crise du lait de 2016 en France, Bel garantit un salaire décent à tous ses agriculteurs partenaires et a déployé huit pratiques d’agroécologie. Plus une ferme les met en place, plus elle est rémunérée. Un modèle vertueux qui ancre la durabilité dans la chaîne de valeur.
Deuxième levier pour la transition vers une alimentation plus durable : le pivot vers le végétal et le fruit, avec notamment l’acquisition de Materne, et les gourdes Pom’Potes, un format ludique qui permet de rendre le fruit fun et attractif. « Pour soutenir la transition, l’enjeu c’est de rendre désirables les produits sains et durables car les injonctions au changement ne fonctionnent pas ! »
Et enfin, le combat contre le gaspillage alimentaire, l’un des principaux postes d’émission carbone du secteur : grâce à la portion, Bel limite les déchets du consommateur final, tout en travaillant sur des emballages plus durables.
Chez BIC, le pari du temps long
À première vue, rien ne relie un fromage en portion et un briquet. Et pourtant, « sans feu, pas d’alimentation saine », rappelle François Clément-Grandcourt. Dans l’hémisphère nord, une cuisinière sur deux fonctionne encore au gaz, donc avec une flamme.
BIC s’est donc attaqué à un paradoxe : comment rendre acceptable un objet plastique et jetable dans un monde où le durable s’impose comme la norme ?
Sa réponse : l’économie circulaire. Son ambition : devenir net zéro plastique.
Pour cela, la clé, souligne François Clément-Grandcourt, c’est le temps long : « Le développement de solutions alternatives prend des années. Les recherches, les essais, les échecs… On ne peut pas faire des changements en catastrophe : le compte de résultat ne s’en relève pas. »
Mieux vaut commencer tôt, pour anticiper les transitions, que subir. Même sans inertie, estime-t-il, « il faudra probablement attendre 2050-2060, au mieux, pour que le secteur industriel entre enfin dans les limites planétaires. »
Finance et durabilité : deux jambes, un seul modèle
Au-delà de leurs secteurs, les deux dirigeants partagent une même vision du rôle du CEO. Pour Cécile Béliot, « un CEO doit emmener son entreprise dans cinq ou dix ans ». Et pour cela, il doit marcher sur deux jambes : la jambe financière et la jambe durable. « C’est plus complexe à piloter, mais c’est le seul modèle tenable dans le temps. Il faut arrêter d’opposer finance et durabilité. »
Une conviction qui se traduit chez Bel par la création d’un Chief Impact Officer, garant à la fois des résultats financiers et extra-financiers. Une façon d’approcher ce que la dirigeante appelle le true profit, un profit intégrant les externalités positives et négatives.
Le progrès comme horizon commun
De l’agroécologie à l’économie circulaire, de la portion au recyclage, Bel et BIC tracent chacun leur route vers des modèles plus résilients. Mais derrière les chiffres, un même message : la durabilité n’est pas une contrainte, c’est une condition de pérennité.
Car comme le rappelle Cécile Béliot, « sans profitabilité, pas de durabilité ». Et comme le souligne François Clément-Grandcourt, « on ne gagne pas contre la physique ».
Tous deux appellent à une même forme de résistance : une entreprise dans laquelle la performance économique et la performance environnementale ne s’opposent plus, mais s’équilibrent.
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Légende photo : Cécile Béliot, directrice générale du groupe Bel, entouré du nouveau président d’Entreprises et Progrès, François Clément-Grandcourt, directeur général de la division briquets chez BIC (à droite), avec Raphaël Lerner, trésorier du think tank Entreprises et Progrès (à gauche).