Pour une acculturation des entreprises au vivant

La conjugaison des crises écologique, de sens, de bien-être au travail… questionne nos modèles organisationnels dans leurs fondements mêmes. Et si la transition des entreprises vers des modèles durables est actée, la recherche d’impact à la hauteur de ces enjeux impose de l’innovation disruptive. Un objectif ambitieux qui ne se fera pas sans installer les collaborateurs dans un nouveau référentiel, à même d’ouvrir un champ des possibles qui aujourd’hui les dépasse. Il faut dès à présent une refonte des schémas de pensées et de leurs interactions avec le Vivant dans leur quotidien de travail.

L’acculturation au Vivant comme clé de voûte des entreprises engagées pour la biodiversité.

Une nécessité s’impose dorénavant au cœur de l’entreprise : modifier en profondeur la conception que ses parties prenantes ont du vivant, où la nature actuellement séparée de l’humain est réduite au statut de ressource ou de contrainte. Il faut infuser une transformation culturelle en changeant physiquement, intellectuellement, et émotionnellement leurs interactions avec le vivant dans le quotidien de l’entreprise. Il faut ici saluer la démarche des entreprises qui ont commencé à végétaliser leurs espaces. Mais il est tout aussi primordial de reconnecter les personnes-mêmes au fonctionnement et à la beauté du vivant pour installer l’entreprise dans un référentiel durable. Une corrélation pleine d’évidence puisque l’être humain fait partie du vivant, et à ce titre, est régi par les principes biologiques dédié, autant à l’échelle individuelle que collective.

“L’acculturation” à proprement parler ne fonctionne que sur la base d’un contact direct et continu avec une autre culture. Il est certain qu’il faut délivrer des clés d’apprentissage autour du vivant, mais il est fondamental de coupler cela à de l’émerveillement et à de l’interaction physique continue à l’échelle de la personne. C’est en s’ancrant dans le concret et la proximité que l’on génère de l’adhésion et de la proactivité, l’exemple en est que les projets d’initiative citoyenne se développent de par la réalité concrète du quotidien qu’ils investissent. Elle repose également sur une combinaison de biais cognitifs complémentaires : de l’apprentissage théorique, du coaching où à partir d’une problématique humaine on explore dans le vivant des stratégies éprouvées sur des milliards d’années pour questionner et identifier ses propres solutions dans le champ relationnel et organisationnel. De l’interaction avec le vivant en assistant par exemple au cycle de vie des plantes de son site via une participation à la plantation, entretien, récolte, ou encore en créant un workshop de concertation-action favorisant la biodiversité sur son site.

Enfin, dans de l’expérience physique. Derrière la simplicité béante d’une activité « les mains dans la terre », une émotion collective insoupçonnée se génère, tout simplement car elle nous met à égalité devant un bien qui nous est crucial : le vivant, et nous ouvre des logiques de partage et de convivialité trop peu présentes en entreprise. Ces expériences de nature vont bien au-delà du jardinage pour se déployer dans tous les champs de la création (artisanat, art, cuisine, musique, littérature…), et sont décisives dans la transformation comportementale. Les neurosciences ont montré à ce sujet que l’émotion est un biais cognitif bien plus puissant que l’intellect : qu’il s’agisse de créer du lien, d’ancrer des connaissances ou de générer de l’adhésion. La prise de décision elle-même est majoritairement émotionnelle. Des émotions individuelles et collectives positives autour du vivant sont ainsi à même de générer des dynamiques puissantes d’action et d’implication au sein de l’entreprise.

Engager tous les collaborateurs et leur apporter une latitude d’action.

Derrière l’acculturation de l’entreprise, ce sont autant la direction stratégique que les salariés qu’il s’agit d’embarquer, à l’échelle de leur site physique. Prenons la dissonance récurrente entre des engagements développés par des directions et l’adhésion des collaborateurs à ces engagements. Selon le Baromètre national de perception de la RSE, seuls 29% des salariés se sentent tout à fait associés aux fonctions portant sur l’environnement, lorsqu’il existe une fonction ou un service RSE dans l’entreprise.

Ancrer au plus près des collaborateurs des îlots vivants que l’on dynamise, et autour desquels on peut impliquer des acteurs de l’économie sociale et solidaire, c’est rendre tangible des enjeux durables souvent trop abstraits. En les intéressant à la biodiversité, ils vont développer une préoccupation plus forte tenant à la préservation d’espaces fondamentaux plus éloignés et ainsi favoriser l’ajustement de leur prise de décision en conséquence. On peut enfin consolider l’adhésion à ces enjeux de biodiversité de l’entreprise quand on associe l’acculturation à la responsabilisation : accompagner les collaborateurs sur de la méthodologie d’idéation vers des actions concrètes en faveur du vivant à leur échelle c’est leur offrir une latitude d’action qui engage fortement. On booste directement la désirabilité de l’entreprise en enrichissant sa finalité première économique par des dynamiques plus écosystémiques et alignées avec les préoccupations de notre époque.

Finalement les bénéfices d’un programme d’acculturation sont globaux : sens, bien-être et performance des collaborateurs y convergent. Quand on connait tous les enjeux de marque employeur autour de l’attractivité, de la rétention des talents, quand on a conscience des difficultés à s’adapter aux changements, déployer un management et notamment un leadership vertueux, ou encore innover ; apporter de la bio-inspiration dans sa démarche managériale et placer le vivant dans le quotidien, sont de formidables leviers. C’est aider les organisations à opérer des déplacements conceptuels : passer de logiques de compétition, d’individualité, et de consommation à des logiques de cohabitation, coopération, et régénération. Derrière ce changement de sémantique, c’est une révolution culturelle qui ouvrira de nouvelles portes décisives à l’entreprise.

Anne Laure De la Grandière
Anne Laure De la Grandière
Directrice des Collaborations chez Merci Raymond

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