Impact/Action/Ecosystème : le paradigme clé pour un business model performant et soutenable

« Pour une innovation tech à impact » : tel est le motto du Liberté Living Lab (LLL), un écosystème pluridisciplinaire qui travaille à la résolution de problématiques comme le vieillissement de la population, l’habitat inclusif, la transformation des villes ou encore du monde agricole. Les 14 et 15 octobre, le LLL proposera la première édition de son Shift Lab : un événement pour faire converger performance économique et impact social et environnemental positif. Rencontre avec Marylène Vicari, sa co-fondatrice. 

The Good : Pouvez-vous nous raconter le fonctionnement du LLL et les ambitions de ce premier Shift Lab ? En quoi la technologie à impact est-elle l’outil de relance clé d’une Good économie ?

Marylène Vicari : Le Liberté Living-Lab est un lieu d’innovation qui a pour ambition d’accompagner et accélérer les grandes transitions de société. Il réunit sur 2 000m2 des startups Tech d’intérêt général, des chercheurs, des acteurs publics et des entreprises, pour travailler en écosystème. Dans ce contexte, l’innovation technologique est un accélérateur de l’économie à impact, mais elle n’est pas suffisante. L’innovation dans les modèles économiques et les solutions de financement associés sont tout aussi importants pour atteindre l’objectif de transition, à travers une approche multi-acteurs. Avec Shiftlab, nous lançons un programme de recherche-action de 3 ans avec une grande étude internationale, des outils de transition des business models, des séances d’inspiration multi-acteurs et des ateliers de passages à l’action. L’ambition est de fixer des points de repères sur la façon dont des entreprises pionnières ou en plein pivot s’y prennent. L’idée est aussi de partager très largement des clés de passage à l’action, et de permettre à tous les acteurs économiques qui le souhaitent (grandes entreprises, PME, Collectivités territoriales etc) d’expérimenter de nouveaux modèles.

The Good : Parmi les livrables clés de cet événement, un zoom sur la mise en place concrète de business models sains, durables et éco-orientés. Pouvez-vous nous en dire plus ?

M.V. : Nous parlons davantage de business models performants (sur le plan économique) et soutenables (d’une part pour soutenir les grands enjeux sociaux et environnementaux et d’autre part pour s’adapter aux différentes crises possibles). La méthodologie développée en partenariat avec Thierry Rayna, Professeur-Chercheur à l‘Ecole Polytechnique, repose sur le paradigme Impact/Action/Ecosystème et sur le déploiement de trois outils développés spécifiquement dans le cadre de Shiftlab.

1. Impact : un outil multidimensionnel permettant une évaluation et une mesure qualitative de l’impact d’une entreprise et de ses activités dans son ensemble, et qui repose sur la prise en compte de toutes les formes d’impact, environnemental, social et humain, et qui permet une approche dynamique et temporelle de ces questions (par exemple entre l’arbitrage d’impacts court-terme/long-terme ou entre impacts de différentes natures).

2. Action : un outil de diagnostic et de prospective des business models reposant sur l’adaptation d’un outil éprouvé : le « Framework Valeur-Action 360º » développé à l’École polytechnique et utilisé par de nombreuses start-up et grands groupes.

3. Écosystème : un outil complet de cartographie des écosystèmes de l’entreprise, qui ne se limite pas aux parties prenantes « connues », mais qui permet l’exploration au sein de l’environnement économique et social de l’entreprise de parties prenantes moins visibles et potentielles. Cet outil apporte, par ailleurs, une approche dynamique, qui permet d’identifier à court, moyen et long terme les parties prenantes nécessaires à la viabilité d’un business model particulier et la délivrance de l’impact recherché, notamment dans des logiques nouvelles de coopération et de mutualisation.

The Good : Si pour les entreprises nées de la tech responsable cela coule de source, la question d’une transition écologique est plus compliquée pour les PME  et les grandes entreprises déjà construites sur des modèles plus capitalo-centrées. 

M.V. : Cela ne coule pas de source pour les entreprises nées de la tech en général. La recherche d’impact social et environnemental est une évidence pour des entreprises visionnaires (nées de la tech ou pas) qui placent cet objectif au coeur de leur mission d’entreprise. Il y a bon nombre d’acteurs qui ne sont pas nés de la tech et qui ont relocalisé des industries, décarboné leur activité ou encore pris des décisions importantes pour soutenir l’emploi. Prenez les exemples de Patagonia, Danone, Veja, Bayard, la Camif, 1083… ces acteurs là ne sont pas nés de la tech… et pour eux, faire converger business et impact coule de source, aussi parce que cela coule de source pour leurs propres clients !

On parle beaucoup des acteurs de la Tech for Good…C’est important. On les soutient. Le Liberté Living Lab a été le 1er acteur à créer un lieu pour réunir sur 2 000m2 le plus grand collectif entièrement dédié à la Tech for good en 2016 et à lancer dans la foulée l’incubateur Tekhnè qui a vu naître et se déployer de magnifiques projets entrepreneuriaux de convergence de tech, de business et d’impact.

Mais il y a aussi toute la forêt des grands groupes, des ETI et des PME qui cherchent aussi à opérer des transitions. Shiftlab a précisément été conçu avec des outils simples pour faciliter les pivots. Des méthodologies pour que chaque acteur économique, quelle que soit sa taille et sa géographie, puisse changer de paradigme, construire des modèles résilients, expérimenter vite avec ses parties prenantes et repenser les critères de performance pour enclencher des pivots durables. Tous nos outils sont développés en creative commons pour que chacun puisse s’en saisir librement et gratuitement. L’idée est aussi de consolider sur une plateforme toutes ces informations (cas d’entreprises, inspirations de pivots, études, outils, contacts…) et de créer ainsi la 1ere communauté d’entraide pour les entrepreneurs de toute taille qui cherchent à opérer des transitions et faire converger “Business et Impact”.

The Good : Pour un changement radical et durable du paysage entrepreneurial, les outils de mesure de la performance et de réussite doivent se réinventer aussi. Comment ?

M.V. : Tous les acteurs, notamment issus du monde financier, sont au travail sur cette question. Il y a une obligation à repenser les critères de performance et d’impact des entreprises notamment par l’Etat, les banques et les investisseurs. De nouveaux risques (de marché, de réglementation, de réputation, etc.) apparaissent et les entreprises sont de plus en plus évaluées sur les critères ESG qui peuvent avoir un impact sur leur image et leurs performances financières. Prenons l’exemple de l’impact du « Dieselgate » sur le groupe Volkswagen, avec pour effet immédiat, une chute de l’action du constructeur automobile allemand de 33% en cinq séances.

Il y a un travail à opérer pour faire évoluer les critères d’impact, avec tous les acteurs concernés. De nouveaux référentiels sont à inventer. De nouveaux outils sont à créer. Et cela ne peut pas se faire en silo. Être à la hauteur des enjeux sociaux et environnementaux de notre époque exige non seulement de co-construire des solutions nouvelles, mais aussi de définir collectivement de nouveaux référentiels économiques, de nouveaux modes de gouvernance, développer une comptabilité en triple capital et assurer un suivi avec rigueur : finalement, appliquer au capital environnemental et au capital social la même exigence que celle appliquée au capital financier.

The Good : Pouvez vous nous citer une ou deux marques qui selon vous ont passé le cap de cette transition écologique et solidaire avec brio ? Pourquoi ?

M.V. : Au sein de l’étude Shiftlab, nous analysons en ce moment une cinquantaine d’acteurs. Cette première enquête terrain se transformera dès 2021 en observatoire des modèles économiques inspirants en France et à l’international. De nombreux cas analysés dans ce cadre sont extrêmement inspirants. En voici deux illustrations :

1/ En France, l’industriel historique Seb a su faire pivoter son modèle en mettant l’économie circulaire au coeur de sa stratégie produits et de la transformation globale de l’entreprise. Le soutien de l’écosystème d’acteurs dans le domaine de la réparation et notamment la joint-venture sociale avec le groupe ARES sont des initiatives remarquables sur des enjeux d’emploi et de réinsertion locale.

2/ A l’international, le cas Fairphone est lui aussi particulièrement inspirant, notamment avec le développement et la commercialisation d’un téléphone éco-responsable et qui place les enjeux sociaux et environnementaux (notamment sur le sourcing des matériaux et la préservation des ressources naturelles) au coeur du modèle de développement de l’entreprise, sur un marché préempté par des acteurs historiques installés.

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