25/11/2025

Temps de lecture : 3 min

« L’économie circulaire est la seule équation crédible entre croissance et décarbonation », Pierre-Emmanuel Saint-Esprit ( groupe Manutan)

Depuis que le groupe Manutan a racheté Zack, Pierre-Emmanuel Saint-Esprit a changé de dimension : il crée des hubs circulaires, lance des activités d’insertion et industrialise le reconditionnement B2B à grande échelle. Mais derrière cette réussite, un message clair : la circularité n’est pas un choix RSE, c’est la seule voie pour concilier croissance et climat. Explications.

Cofondateur de Zack, racheté par le groupe Manutan en 2022, Pierre-Emmanuel Saint-Esprit pilote aujourd’hui l’un des volets les plus stratégiques du groupe : économie circulaire, décarbonation clients et développement du Hub Circulaire.

Il raconte à The Good comment les modèles circulaires s’industrialisent et pourquoi les grandes entreprises jouent désormais un rôle déterminant dans la transition.

The Good : Trois ans après le rachat de Zack par le groupe Manutan, qu’avez-vous pu développer ?

Pierre-Emmanuel Saint-Esprit : Depuis le rachat de Zack par le groupe Manutan en 2022, je travaille à la circularisation du marché de la distribution B2B. Je dirige aujourd’hui l’équipe “Économie circulaire et décarbonation clients” du groupe, présent dans 17 pays.

Concrètement, cela signifie que j’ai pu lancer les premiers entrepôts de reconditionnement de la distribution B2B en France et aux Pays-Bas, et accompagner des milliers d’entreprises dans la réduction de leurs émissions. Grâce aux moyens du groupe (près de 1 Md€ de CA), l’impact est incomparablement plus important que dans ma période start-up.

The Good : Sorti de terre il y a un an, le Hub Circulaire est devenu un pilier du groupe Manutan. Pourquoi ?

Pierre-Emmanuel Saint-Esprit : Le Hub Circulaire, inauguré en 2024, est en effet devenu un pilier stratégique du groupe. Sur un site de 3 000 m² au Bourget, nous réemployons, réparons et reconditionnons du mobilier professionnel destiné à être jeté. 

Chaque mois, plus de 3000 articles sont collectés, réparés et remis sur le marché, avec des prix jusqu’à 30 % inférieurs au neuf, sans compromis sur la qualité. Nous avons même obtenu la certification « Maîtrise » du programme indépendant Vérifié par le FCBA, preuve que notre modèle est industriel, robuste et fiable.

The Good : Vous avez récemment lancé une activité d’insertion professionnelle au sein du Hub. Pourquoi ce choix ?

Pierre-Emmanuel Saint-Esprit : Parce que l’économie circulaire n’a de sens que si elle est aussi sociale.
Avec ARES et Valdelia, nous avons créé une activité d’insertion qui forme et accompagne des personnes éloignées de l’emploi aux métiers de demain : réparation, contrôle qualité, reconditionnement.

Déjà 4 salariés sont en poste, et d’autres arrivent. C’est un modèle gagnant-gagnant : on crée de la valeur locale, on accélère les flux de reconditionnement, et on donne à des femmes et des hommes un vrai tremplin professionnel durable

The Good : Le groupe Manutan vient aussi de créer son propre « Social Fund ». Quel en est l’objectif ?

Pierre-Emmanuel Saint-Esprit : Le Manutan Social Fund permet d’unifier les engagements sociaux du groupe autour de trois axes : l’inclusion professionnelle, l’éducation et le bien-être des enfants et la santé mentale au travail.

C’est un cadre clair pour soutenir des initiatives locales, de l’accompagnement des structures petite enfance à des actions sportives inclusives ou des voyages solidaires, tout en mesurant l’impact réel grâce à des indicateurs communs. C’est une manière cohérente d’intégrer le social dans notre modèle de performance durable 

The Good : Le secteur de l’économie circulaire a beaucoup évolué. Comment le percevez-vous aujourd’hui ?

Pierre-Emmanuel Saint-Esprit : Pour moi, l’économie circulaire est la seule équation crédible entre croissance économique et décarbonation. Quand vous réparez, réutilisez ou reconditionnez un produit, vous décarbonez immédiatement. C’est concret, mesurable et massif. 

Le problème, c’est que c’est encore sous-médiatisé et sous-financé. Les politiques et les plans d’investissement publics connaissent mal le sujet. Pourtant, si on veut transformer les chaînes de valeur, il faut que les grands groupes investissent et créent des filières industrielles circulaires — pas uniquement des initiatives marginales.

C’est pour cela que nous sommes plusieurs acteurs de l’économie circulaire en France (Célia Rennesson (ReUse Economy, Jules Coignard et Raphaël Masvigner de CirculR…) à nous être réunis dans une association, EC2027, pour pousser le sujet dans les politiques publiques.

The Good : Quels sont les défis qui freinent encore la circularisation de l’économie ?

Pierre-Emmanuel Saint-Esprit : Le principal frein, c’est le manque de financement et de vision.
On investit des milliards dans l’IA ou dans l’hydrogène, ce qui est très bien, mais presque rien dans le reconditionnement, qui décarbone aujourd’hui, pas dans 20 ans.

Les dispositifs de soutien publics comme France 2030 n’ont quasiment pas financé le reconditionné, faute de connaissance des enjeux. Pourtant, c’est maintenant que les filières doivent s’industrialiser.

The Good : Quel message souhaiteriez-vous faire passer aux entreprises ?

Pierre-Emmanuel Saint-Esprit : Arrêtez de considérer l’économie circulaire comme un « bonus vert ». C’est un levier business. C’est aussi un moyen de réduire les coûts, sécuriser les chaînes de valeur, diminuer les émissions et répondre aux attentes des talents. Ce n’est pas un sujet d’image : c’est un sujet de résilience économique. 

La circularité n’est pas une tendance : c’est un changement de paradigme. Et plus les grandes entreprises s’y engagent réellement, plus nous pouvons changer l’économie à grande échelle.

Hub Circulaire du groupe Manutan. (Crédits DR.)

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