« Je vous invite à aller interroger les autres acteurs du secteur : ce qu’ils font est très intéressant et nous avons tous des fonctionnements différents. » A eux seuls, ces propos de Tancrède du Réau, cofondateur de Sorewards, illustrent l’esprit du milieu de la carte cadeau solidaire et/ou durable. Et de citer lentement les noms de ses concurrents, voire de les épeler, afin d’être certain que bonne note en soit prise… Une invite d’autant plus remarquable que la petite startup nantaise Sorewards est un acteur qui veut percer. Ethi’Kdo, Hool, Charitips… sont ainsi mis en avant. Impossible toutefois d’être exhaustif, tant sont nombreux les acteurs qui se positionnent sur les différents segments de la carte cadeau attachés à des valeurs morales.
Sorewards, comme Proxity, se proposent, pour leur part, d’aider au maintien et au développement du commerce local, avec deux modèles différents. Sorewards, adossé au réseau Visa, commercialise des cartes prépayées utilisables, notamment, dans les commerces de proximité, et permet, à l’entité qui offre la carte à ses salariés, de biffer certains acteurs indésirables dès la programmation de la carte. « Parmi nos clients, il en est qui ont écarté certaines enseignes de la mode… », commente Tancrède du Réau. Ses clients étant les CSE et les inter-CE.
En lien avec les associations de commerçants
Pour soutenir et dynamiser le commerce local, lutter contre la désertification des centres-villes, entreprises et collectivités peuvent également opter pour Proxity. L’entreprise contractualise avec des collectivités ou des entreprises d’un côté, et des associations de commerçants, de l’autre pour, in fine, permettre que les bénéficiaires de cette carte cadeau mutualisée, dépensent leur argent en centre-ville, auprès d’un ou de différents commerçants, plutôt que sur Internet ou dans les grandes surfaces. « La consommation locale, en circuit court, permet d’abaisser l’empreinte carbone des achats », glisse Romain Chavoutier, directeur général de Proxity.
Afin de permettre aux utilisateurs de la carte Sorewards de calculer l’empreinte carbone de leur achat Tancrède du Réau et son équipe travaillent actuellement avec une agence RSE (Toovalu) et l’appui de l’ADEME, sur un projet d’équivalence en termes d’émissions, visible sur la Web app. Le système, qui reposera sur une base de données en open source – « l’objectif est d’avoir un maximum d’acteurs et de bénéficiaires pour la faire évoluer », devrait se concrétiser sans le courant du premier trimestre 2026.
L’union fait la force
« Nous avons adhéré à Proxity car ce système favorise la prise de contact avec des structures que nous ne pouvons toucher individuellement », commente Anne Gayet, co-gérante de la librairie La Puce à l’oreille, à Andrézieux-Bouthéon (Loire), et secrétaire de l’Union des artisans et commerçants (Udacab). « Nous sommes plus forts ensembles. Car si un comité d’entreprise ne peut offrir un bon cadeau valable que dans un magasin du centre-ville, il peut offrir un bon cadeau à dépenser dans tous les commerces participants du centre-ville », s’enthousiasme-t-elle. 90% des commerçants adhérents de l’association ont adhéré au dispositif. Et l’intérêt de ceux qui ne sont pas adhérents croît : « Cette carte cadeau a un impact conséquent sur l’association de commerçants, relancée il y a peu à la demande de la mairie. Elle lui donne plus de force ». Ellea également généré un regain d’intérêt des commerçants pour l’association.
Les commerçants de cette ville atypique sont pleins d’espoir. « Nous en espérons des retombées économiques », commente Anne Gayet. Pourquoi atypique ? Car Andrézieux, explique-t-elle, « compte plus de travailleurs que d’habitants. Sur notre territoire, où vivent 10 000 personnes, se sont implantées de grosses entreprises de l’agro-alimentaire et de la chimie ». « Nous travaillons sur une soixantaine de territoires, précise Romain Chavoutier (Proxity), « et représentons 1500 commerçants ». Parmi eux, des commerçants de Dieppe « où il y a, par exemple, plus de 100 k€ euros d’encours en cartes cadeaux qui circulent actuellement ». Idem à Vittel « où la mairie est à l’origine de 20% de cet encours ».
Ces cartes permettent de réinjecter de l’argent et du pouvoir d’achat dans l’économie locale afin de favoriser l’économie des territoires sur lesquelles sont implantées les entreprises. Un centre-ville actif est, en retour, plus attractif pour les salariés des entreprises en question. Quant aux collectivités, ajoute Romain Chavoutier, « elles sont ainsi plus efficaces avec l’argent public qui revient dans l’économie locale ». Les CCAS et les mairies offrent des cartes solidaires.
Proxity fonctionne avec une web-application mobile. Elle permet aux commerçants de scanner les cartes cadeaux directement avec leur smartphone, grâce à un QR code unique imprimé sur chaque carte. Quant au modèle économique, il repose sur des frais de mises en place, pris en charge par l’association de commerçant puis une commission sur la vente, prise en charge à moitié par l’association et l’autre moitié par les commerçants. Et, point non négligeable pour les commerçants, Proxity, « à chaque utilisation de la carte, le commerçant est crédité dans la semaine qui suit », assure Romain Chavoutier.
Soutenir les associations
Sorewards permet aussi aux bénéficiaires de soutenir une association ou ONG de leur choix en lui reversant tout ou partie des fonds disponibles, mais également aux entreprises et collectivités de récupérer les fonds non utilisés par leurs salariés et de reverser, tout ou partie de cet argent à des associations, hors association cultuelles ou politiques, explique Tancrède du Réau.
Celui-ci essaie d’inscrire la générosité/solidarité à travers Sorewards, comme dans ses engagements associatifs : il est également administrateur de 1% Fort the Planet France, dont est évidemment membre Sorewards, entreprise de l’Economie solidaire et sociale. Une ESS qui veille à travailler avec des acteurs eux-mêmes solidaires… C’est ainsi que Sorewards est notamment cliente de Handirect, qui stocke, met sous pli et envoie ses cartes cadeaux physiques. « J’avoue que nous nous passerions bien de ces cartes, mais le marché les demande », soupire-t-il. A toute chose malheur peut être (quelque peu) bon.