The Good : Avec plus de 3 millions d’euros collectés pour #DécarbononsLaFrance, cette campagne marque un tournant pour le crowdfunding à impact. Qu’est-ce qui a permis une telle mobilisation, et que retenez-vous de cette expérience ?
Arnaud Burgot : Le projet « Décarbonons la France » est une grande démonstration de l’intérêt du financement participatif pour des projets engagés. Avec déjà plus de 3 millions d’euros collectés et 25 000 contributeurs mobilisés en seulement quelques semaines, cette campagne pulvérise le record européen précédemment détenu par le projet Odyssée du youtubeur Tev (IciJapon) avec 2,27 M€ en 2023.
Ce succès phénoménal repose sur plusieurs piliers fondamentaux. D’abord, la crédibilité et l’expertise du Shift Project et de son président, Jean-Marc Jancovici, une figure reconnue pour sa rigueur scientifique dans le domaine du climat et de l’énergie. Ensuite, la mobilisation exceptionnelle des Shifters, ces milliers de bénévoles engagés qui soutiennent le projet, relaient le message et sont les moteurs de ce mouvement citoyen. Enfin, la transparence sur l’utilisation des fonds avec des paliers clairement définis, permettant aux contributeurs de comprendre précisément comment leur participation va se traduire en actions concrètes.
Cette expérience nous enseigne que lorsqu’un projet répond à une préoccupation profonde de la société civile, qu’il est porté par des acteurs crédibles et qu’il propose des solutions concrètes, la mobilisation peut dépasser toutes les attentes. Dans un contexte où l’on observe une poussée du climato-scepticisme, et un retour en arrière des gouvernements sur les enjeux environnementaux, ce record démontre qu’une large partie de la société a compris l’urgence et veut agir concrètement.
The Good : Au-delà de cette campagne, quel rôle le financement participatif peut-il jouer pour accélérer la transition écologique en France et rapprocher les citoyens des grands enjeux climatiques ?
Arnaud Burgot : Le financement participatif est un levier puissant pour accélérer la transition écologique en France. Il donne aux citoyens l’opportunité de prendre part à une action concrète, de financer des projets innovants et d’expérimenter de nouvelles solutions qui, faute de soutien traditionnel, peinent parfois à voir le jour.
Cette démocratisation du financement permet également de tester des idées, de mobiliser des communautés engagées et de faire émerger des initiatives qui, en fédérant de petits dons, deviennent des projets structurants pour notre avenir. Le crowdfunding crée un effet levier considérable, en pouvant démontrer l’attractivité auprès du grand public de certains projets, qui peuvent ainsi plus facilement obtenir d’autres financements publics ou privés.
En ce sens, le crowdfunding n’est pas qu’un moyen de récolter de l’argent, il transforme le rapport à l’action environnementale en donnant à chacun un pouvoir d’agir direct et mesurable. Cette appropriation citoyenne des enjeux climatiques est essentielle pour créer l’adhésion nécessaire aux transformations profondes que notre société doit entreprendre.
The Good : Comment Ulule évolue aujourd’hui pour accompagner davantage de projets à impact, notamment avec des initiatives comme le « Camp de base » ?
Arnaud Burgot : Nous avons étendu nos activités depuis plusieurs années, au-delà du crowdfunding, en gardant comme boussole notre coeur de métier : accompagner les créateurs et les entrepreneurs. Bien au-delà d’une simple plateforme de collecte, nous nous positionnons désormais comme un partenaire stratégique pour tous ceux qui veulent créer et entreprendre, avec bien sûr le financement participatif, mais aussi notre activité de formation, nos entreprises partenaires qui apportent mécénat ou sponsoring à des projets, et depuis peu le Camp de Base.
Le Camp de Base est une communauté en ligne, pour les créatrices et créateurs, qui permet de bénéficier d’entraide entre membres, de bons plans et réductions sur des centaines de services digitaux, et de live pour se former en continue. Cet environnement convivial et inspirant, où le tutoiement et la bienveillance sont de mise, permet à chacun de progresser, de partager, et de découvrir de nouvelles solutions et outils.
Il y a déjà 4000 membres sur le Camp de Base, et nous espérons d’ici la fin de l’année atteindre 10 000 membres, formant un réseau d’entraide et de liens puissant, pleinement en phase avec notre mission : « donner des ailes à celles et ceux qui agissent pour un monde plus créatif et plus durable ».
The Good : En tant que membre des Shifters, quel message souhaitez-vous adresser aux citoyens et aux acteurs économiques pour les inciter à s’engager plus concrètement dans la décarbonation ?
Arnaud Burgot : Mon message est simple et pleinement cohérent avec ce que j’ai la chance de faire chez Ulule au quotidien : il faut agir, en acceptant que cela prendra du temps, qu’il y a aura énormément de résistance culturelle, car la plupart des personnes ont du mal à changer, à se remettre en question, à adopter de nouvelles façons de voir les choses, tout cela demande beaucoup d’énergie. C’est un marathon, pas un sprint, donc chaque petit pas est important.
Un changement de paradigme culturel prend beaucoup de temps, il se fait une génération après l’autre, il se fait de proche en proche, il se fait par la mise en œuvre de milliers de petites évolutions qui permettent à chacun de comprendre, progressivement, qu’un nouveau système de fonctionnement commun est possible et positif. Allons-y donc gaiement, c’est en agissant qu’on sort de l’appréhension et de l’anxiété, et c’est en chemin qu’on trouve petit à petit les solutions.