27/05/2025

Temps de lecture : 4 min

Primark veut prouver qu’une mode accessible peut aussi être responsable

Grâce à l’unicité de son modèle économique et sa stratégie RSE, Primark souhaite casser les idées reçues : oui, la mode à petits prix peut aussi être durable. A travers son programme « Primark Cares », le géant du textile mise sur l’éco-conception, la circularité et l’amélioration des conditions sociales. Rencontre avec Christine Loizy, directrice générale France, qui revient sur les engagements, les défis et les ambitions du groupe à horizon 2030.

The Good : Avec 530 magasins dans le monde dont 28 en France, Primark (groupe Associated British Foods) a dévoilé en 2021 une stratégie RSE ambitieuse à horizon 2030. Quels sont les grands axes de cette feuille de route ?

Christine Loizy : Chez Primark, une entreprise cotée à la Bourse de Londres mais majoritairement familiale, qui compte 80 000 collaborateurs dans le monde et près de 7000 en France, l’engagement pour une mode plus durable n’est pas nouveau. Cela fait plus de dix ans que nous avons une stratégie RSE solide. Ce n’est qu’en 2021 que nous avons choisi de communiquer plus largement en la structurant sous le nom de Primark Cares. Elle repose sur trois grands piliers :
1. Rendre les vêtements plus durables, en améliorant leur conception, notamment en favorisant des matières recyclées, durables ou biologiques, et en allongeant leur durée de vie pour tendre vers plus de circularité.
2. Réduire notre impact environnemental, en améliorant nos pratiques tout au long de la chaîne de valeur, du champ de coton au magasin.
3. Améliorer les conditions de vie des personnes qui travaillent dans nos magasins ou qui fabriquent nos produits, avec un travail de fond sur les salaires et les conditions de travail (ex : formations sur la santé mentale, politique d’intégration des collaborateurs en situation de handicap…).
Notre ambition est claire : rendre la mode durable accessible à tous !


The Good : Mode durable et mode à petit prix : est-ce vraiment compatible ?

Christine Loizy : C’est une question légitime, mais c’est justement notre mission : prouver qu’on peut faire les deux. Le modèle Primark repose sur un fonctionnement rigoureux, sans superflu. Cela signifie : pas de e-commerce (oui, aucune vente en ligne !), pas de campagnes de pub massives, deux collections par an (élaborées au moins 11 mois à l’avance et transportées par bateaux uniquement), des produits intemporels et basiques qui plaisent au plus grand nombre, une excellente gestion des stocks qui doivent tous être écoulés donc aucun gaspillage. C’est ce modèle optimisé qui nous permet de proposer des produits de qualité à des prix accessibles, tout en investissant dans des matières durables et des pratiques responsables. C’est d’ailleurs un des sujets que nous avons voulu aborder à travers la conférence-débat du 15 mai : échanger avec des experts variés (ONG, acteurs économiques, chercheurs…) sur cette idée reçue d’une incompatibilité entre durabilité et accessibilité.

The Good : Quelle part du coton et de vos matières premières est aujourd’hui durable ? Et comment en assurer la traçabilité ?

Christine Loizy : Aujourd’hui, 57 % de nos vêtements en coton sont soit biologiques, soit recyclés, soit issus de notre programme Primark Sustainable Cotton Programme. Et plus largement, 66 % de nos produits sont conçus à partir de matières durables, recyclées ou biologiques. Nous visons les 100 % d’ici 2030. Ce programme de coton durable est l’un des plus ambitieux existant à ce jour : nous avons formé plus de 309 000 agriculteurs en Inde, au Pakistan et au Bangladesh à des pratiques agricoles plus respectueuses, avec moins d’eau, moins d’intrants chimiques. Pour la traçabilité, nous travaillons avec des acteurs reconnus comme TrusTrace ou Oritain, et surtout avec des partenaires locaux sur le terrain, qui sont les vrais sachants. Toutes ces informations sont d’ailleurs accessibles sur notre site.

The Good : Comment travaillez-vous avec vos fournisseurs pour garantir des conditions de travail équitables ?

Christine Loizy : Nous savons que la durabilité sociale est aussi essentielle. Nous travaillons main dans la main avec des acteurs locaux pour garantir de bonnes conditions de travail et des salaires justes. Par exemple, nous utilisons la méthodologie ANKER pour définir ce qu’est un « salaire décent » selon les réalités locales. Nous collaborons également avec d’autres acteurs de la filière — ONG, syndicats, gouvernements — à travers l’initiative ACT, pour une approche collective et structurée.

The Good : Comment vous engagez-vous sur la qualité, la réparabilité, et la fin de vie des produits ?

Christine Loizy : Nous avons mis en place le Durability Framework, qui repose sur une idée simple : un vêtement durable est un vêtement bien conçu, avec des matières de qualité, pensé pour durer et être éventuellement réparé ou recyclé. Nous avons lancé des ateliers de réparation dans les centres commerciaux où se trouvent nos magasins, notamment avec l’association Chaussettes Solidaires en France. Nous proposons également des boîtes de collecte dans nos magasins, gérées par notre partenaire Yellow Octopus. Suivant leur état, les produits sont soit recyclés, soit revendus. Les dons sont ainsi valorisés, et les bénéfices soutiennent des programmes pour l’UNICEF.

The Good : Pourquoi avoir organisé l’événement du 15 mai sur le thème « Comment aller plus loin pour concilier mode accessible et responsable » ?

Christine Loizy : Le contexte réglementaire évolue, les attentes des consommateurs aussi. Nous pensons qu’en tant qu’acteur majeur, nous avons une responsabilité d’ouvrir le dialogue. Cet événement est venu prolonger les échanges que nous avons déjà engagés avec des ONG, chercheurs, institutions… L’idée était de croiser les regards, d’identifier ensemble les leviers concrets pour accélérer la transformation du secteur. La transition ne se fera pas seule, et nous voulons être un acteur du changement.

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