La Maison ne s’attendait pas à ce que son service réparation rencontre un tel succès. Pourtant, les clients souhaitant faire réparer leurs pulls ont afflué. Et l’entreprise Montagut, qui travaillait initialement avec une seule remailleuse dont elle offrait les services à ses clients, a été contrainte de revoir son mode de fonctionnement et de recourir à des sous-traitants.
« Nous avons noué un partenariat avec Tilli, leader des solutions care & repair en France, qui nous aide sur la réparation en opérationnalisant le travail », précise Candice Meyer, directrice RSE de la Maison Montagut. Et de préciser avoir « développé un cahier des charges spécifique et validé des artisans conformes à nos attentes ».
Rien d’étonnant en ces temps où les grandes maisons de maroquinerie peuvent rénover un sac tel le Birkin, les chausseurs de luxe, des derbies ou des mocassins tels la 180, par exemple. Les grands du cachemire ont aussi leur service « longue vie » pour remailler les vêtements. Quand le client investit, chèrement, dans un basique – un « intemporel », comme on dit dans le métier -, qui donne quelques signes de fatigue, il souhaite en prolonger le cycle de vie. Et la tendance s’accentue.
On parle bien ici de tendance, alimentée par le souci écologique et … peut être aussi un (petit !) brin de snobisme. Mais s’il permet de préserver les ressources et de faire travailler des artisans, il est le bienvenu !
« La réparation a le vent en poupe », plussoie la directrice de la maison Montagut, « encore plus depuis que Refashion, l’organisme qui gère la fin de vie des produits de la filière, a lancé un bonus réparation ». Marine Lozet assure, avec son frère Nicolas, l’actuelle direction de cette très ancienne maison française de fils d’exception, pilotée par la famille Tinland-Gros depuis six générations.
Le rêve d’une production à la demande
Sur le chemin de la RSE, la Maison Montagut ne s’arrête pas à ce premier pavé. Elle « ne propose que deux collections par an avec une centaine de références, seulement par collection », souligne Marine Lozet « et ne produit qu’en petites quantités. Ceci nous permet de ne pas stocker en fin de saison. »
En Ardèche, dans sa région natale, la Maison Montagut a ouvert une boutique où sont proposés les modèles restants, à prix moindre. L’idéal, rêve-t-elle, « serait la production à la demande… mais ce mode de fonctionnement ne fait pas partie de nos modes de consommation. Pour les vêtements, les consommateurs achètent au coup de cœur. Il est difficile de leur dire d’attendre un mois, un mois et demi avant de recevoir leur article ! »
Autre spécificité de la maison : la technique du tricotage “fully fashioned” sur métiers rectilignes, qui permet de tricoter la pièce en forme « et de ne rien jeter ; de ne pas gaspiller de matière ». Lequel tricotage se fait, pour l’essentiel, au Portugal où « nous avons notre propre usine. Nous essayons de tout faire tricoter chez nous par souci de proximité, de responsabilité environnementale et sociale », précise Candice Meyer.
Montagut privilégie le coton biologique pour ses collections printemps/été, intègre le cachemire recyclé à ses collections automne-hiver – « certains de nos derniers modèles femme en comptaient 55% » – et s’enorgueilli d’utiliser unelaine Merinos dont le fil est respectueux sur tous les plans : « nous veillons à ce que les élevages respectent les bêtes et les pâturages selon les standards de la norme RWS (NDLR : la norme Responsible Wool Standard est une norme volontaire qui atteste d’une production de laine respectueuse du bien-être des moutons et des terres sur lesquelles ils paissent, mais aussi qui assure un revenu minimum aux éleveurs).
Elle ne pourra toutefois jamais afficher d’étiquette Made in France sur le cachemire car c’est en Mongolie que les chèvres cachemire sont élevées et que leur laine y est la plus belle. « Nous avons le même fournisseur depuis des années. Et comme nous sommes aussi vendus en Chine, nous avons des équipes là-bas qui le suivent, commente Candice Meyer. Il en va de même pour notre laine. Elle est Mulesing free* ce qui garantit que la tonte se fait dans le respect de l’animal, sans torture. »
Et Marine Lozet d’assurer veiller à ce que le fil soit « respectueux de A à Z », en suivant le règlement européen Reach, qui interdit l’usage d’un certain nombre de substances chimiques, pour traiter et colorer les fils « et nous allons même plus loin en respectant la norme ZDHC qui est plus exigeante. Les colorants utilisés sont d’ailleurs écologiques », certifie-t-elle. La maison fait d’ailleurs ses propres mélanges de couleurs et construit ainsi une identité bien à elle.
Le goutte d’eau du colibri
Pour autant, reconnaît la dirigeante, il n’est pas toujours facile de concilier intérêts économiques et RSE. Son Fil Lumière, fil iconique de la maison, est composé de polyamide texturé selon un procédé dont la maison a le secret. « Peu glorieux sur le papier, ce fil a toutefois l’avantage d’avoir une grande durabilité. La façon dont il est tricoté, formé et fixé le rend inusable. Ce matériau fonctionne toujours très bien et il n’existe que chez nous. » Leur lin vient de France ou du Bénélux…. pour être filé en Lituanie.
Quant au bambou qui apparaît aussi dans les collections, mieux vaut ne pas évoquer son empreinte carbone. La Maison Montagut sait qu’elle n’est pas exemplaire, mais elle s’efforce d’être la plus respectueuse possible, jusqu’au emballages : « pour réduire la pollution plastique et contribuer à préserver la biodiversité, nos sacs en papier et nos emballages e-commerce sont composés de carton certifié FSC, c’est-à-dire issu de forêts gérées durablement. Ils sont 100% recyclés et recyclables. » Chaque pas est une avancée.
*NB – Le Mulesing est une pratique chirurgicale qui consiste à retirer la peau située autour de la queue des moutons mérinos pour éviter la myiase (présence sous-cutanée de larves de mouches) chez ces moutons dont la fourrure très dense et les plis humides de la peau constituent des zones idéales pour la ponte des parasites. La myiase met en danger la santé du mouton et nuit donc à la qualité de sa laine et à son rendement.
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En photo : Candice Meyer (à gauche), directrice communication et RSE et Marine Lozet (à droite), directrice générale de Maison Montagut