Groupe de médias audiovisuels français, TF1 touche chaque jour plusieurs millions de téléspectateurs. Une audience qui confère au groupe un rôle d’influence unique et une responsabilité majeure.
Pour Mélissa Giraco Saint-Fort, directrice RSE du groupe TF1, cet engagement repose sur un double mouvement : une stratégie corporate solide et sa traduction à l’écran, via des programmes, des fictions et des formats qui reflètent les grandes transitions sociales et environnementales.
De la formation de 100 % des collaborateurs à l’éco-production labellisée Ecoprod, en passant par la parité des expertes invitées à l’antenne et la décarbonation de ses productions, TF1 veut incarner un média d’action, porteur d’une transformation collective du secteur.
The Good : Comment articulez-vous votre stratégie RSE avec le rôle d’influence d’un groupe comme TF1 ?
Mélissa Giraco Saint-Fort : On est pleinement conscients de notre responsabilité : TF1 est un leader médiatique regardé chaque jour par des millions de Français. Notre exigence est double et miroir : une stratégie RSE corporate solide (que nous aurions même si nous n’étions pas un média) et sa traduction à l’antenne. Historiquement, l’égalité femmes-hommes, l’inclusion/diversité, la transition écologique et la solidarité sont nos trois grands piliers — en interne comme dans nos programmes.
The Good : Concrètement, comment cet “effet miroir” s’organise en interne ?
M.S-F : D’abord par l’engagement des équipes : près de 400 collaborateurs se sont portés volontaires pour contribuer à la RSE ; nous avons aussi un réseau de référents RSE dans chaque business unit (pub, tech, plateforme TF1+, etc.). Ensuite par l’exemplarité managériale : la RSE est intégrée dans la part variable du PDG, du comité de direction et d’environ 400 managers. Enfin, nous écoutons nos parties prenantes : dans le cadre de la CSRD, nous avons mené une analyse de double matérialité en interrogeant téléspectateurs, producteurs, fournisseurs, annonceurs, agences, collaborateurs et membres du COMEX.
The Good : La formation semble être un levier majeur. Où en êtes-vous ?
M.S-F : Nous avons formé 100 % des collaborateurs en CDI, avec des parcours “métier-spécifiques” (pas un simple e-learning générique). Par exemple, les journalistes ont suivi deux jours “journalisme & climat” ; d’autres métiers ont eu des formats adaptés. Résultat : tout le monde partage un socle commun et sait comment agir à son niveau.
The Good : Et côté rédaction/antenne, comment la transition se voit-elle ?
M.S-F : Dans l’info, c’est du factuel et de la pédagogie : nous traitons chaque jour la transition (décryptages, solutions) avec des sujets “Notre planète”, et nous avons triplé le volume en trois ans. Nous nous appuyons sur un comité d’une quinzaine d’experts scientifiques mobilisables par les journalistes, et certains formats longs (par exemple sur les limites planétaires) ont atteint des audiences massives.
Dans la fiction, on n’“impose” pas l’écologie partout : on reflète la société là où c’est pertinent. Ici tout commence traite naturellement d’anti-gaspillage, de bio, de compost ; ailleurs, on passe par l’humour (Flashback) pour montrer l’évolution des usages. Studio TF1 travaille même avec un doctorant qui relit certains scénarios sous l’angle environnemental.
Côté jeunesse, beaucoup de séries abordent déjà la biodiversité ou la pollution ; et en documentaire, TMC diffuse régulièrement des enquêtes (fast-fashion, alimentation, etc.).
The Good : Quelles avancées sur diversité et inclusion ?
M.S-F : Après une grande enquête interne (type baromètre D&I), nous renforçons le recrutement (ouverture QPV/ZRR, formation des managers à la non-discrimination), et nous progressons sur le handicap (jusqu’à 7 % sur TF1 SA).
Côté antenne : le programme “Expertes à la Une a permis d’atteindre et de maintenir depuis trois ans la parité des expertes invitées (entre 50 et 54 %), et nos fictions portent très majoritairement des héroïnes (HPI, Master Crime, Mademoiselle Holmes, Les Combattantes, Les Randonneuses, etc.).
Dans les grands divertissements (Star Academy, Danse avec les stars, Koh-Lanta, The Voice), la représentation est naturellement diverse via les appels à talents.
The Good : Votre trajectoire climat ?
M.S-F : Objectif de décarbonation à horizon 2030 (-30 %), avec des fondations déjà en place : mobilité (passage à 100 % véhicules électriques pour les voitures de fonction), sobriété énergétique (tour certifiée ISO 50001), achats et numérique responsables.
Le plus structurant, c’est l’éco-production : après avoir réduit de moitié le bilan carbone des quotidiennes (via Newen) en deux ans, nous avons appliqué la démarche à Danse avec les stars (-26 % la 1re année, -12 % l’année suivante), puis à Automoto, Téléfoot, 50’ Inside, etc.
Chaque production est formée une journée avant tournage, auditée et labellisée Ecoprod (AFNOR). Nous embarquons aussi nos producteurs externes ; le CNC encourage d’ailleurs l’éco-prod en fiction via un bonus dédié.
The Good : Et la régie publicitaire ?
M.S-F : Au-delà des offres “bas carbone” et de l’optimisation média (notamment digitale), on mise sur l’incitation du marché : ateliers (fresque de la publicité, challenge bas carbone) et le fonds Ecofunding Carbon, qui finance des spots de sensibilisation grand public (mobilité, alimentation, seconde main…) à condition que les marques promeuvent leurs produits/ services les plus responsables. La transition ne marche que si annonceurs, médias et consommateurs bougent ensemble.
The Good : Qu’est-ce qui reste le plus difficile ?
M.S-F : Passer à l’échelle, collectivement. On avance vite côté formation, éco-prod et contenus ; mais la chaîne de valeur est longue. Plus les annonceurs et le consommateur final évolueront, plus nous pourrons accélérer et refléter cette transformation dans nos contenus. La clé, c’est la cohérence globale — interne, antenne, marché.