« On ne réussira pas la transition énergétique sans l’IA générative », affirme Chantal Jouanno, ancienne ministre de l’environnement, aujourd’hui senior adviser chez Accenture et co-autrice du rapport « Le défi environnemental de l’IA ».
Elle explique comment, en rendant ses bénéfices accessibles au plus grand nombre, l’IA conversationnelle constitue un vecteur de massification, notamment dans l’électrification des usages.
Chez Veolia, « Talk to my plant » permet aux opérateurs d’échanger avec l’IA en langage du quotidien pour identifier en un temps record les pannes qui affectent leur site et trouver les solutions. Les tonnes de déchets ou les volumes d’eau traités en sont maximisés d’autant.
La start-up Entalpic applique l’IA générative à la chimie, car elle accélère le cycle de processus chimiques très énergivores. A la clé, de nouveaux matériaux durables, inventés plus rapidement et à moindre coût énergétique.
Les différents usages de l’IA… pas toujours vertueux
Chez Sapiology, l’IA facilite les analyses de cycle de vie de chaînes de valeur complexes, en structurant des données difficiles d’accès. Deepki, qui aide les gestionnaires et propriétaires d’actifs immobiliers à mesurer et neutraliser l’impact carbone de leurs actifs, l’utilise pour exploiter des données figurant sur des documents PDF faciles d’accès tels que des factures.
Chez Publicis, « L’IA Antigreenwashing évalue si une campagne respecte les règles sur la communication environnementale, témoigne Caroline Darmon, directrice RSE Publicis Groupe en France. L’IA Positive Representations suggère des façons d’aller plus loin, de faire que chaque action de communication puisse inspirer des comportements plus conclusifs ou plus écoresponsables. »
Mais le recours à l’IA n’est pas toujours aussi vertueux. C’est pourquoi la question de sa finalité devrait se poser d’entrée de jeu. Chez norsys, par exemple, « Dans bien des cas, le recours aux technologies historiques, moins génératrices d’externalités négatives, est largement satisfaisant, affirme Frantz Gault, administrateur nature au conseil d’administration de la SSII. Et lorsque l’IA semble apporter de véritables gains d’efficacité, norsys développe des cadres d’usage pour assurer que l’esprit critique et le questionnement éthique garantissent un usage juste de l’IA générative. »
Publicis Sapient a élaboré un outil pour évaluer si les bénéfices tirés du recours à l’IA sont supérieurs à ses coûts environnementaux. « En permettant de modéliser l’empreinte carbone d’une opération, e-footprint aide à prendre les bonnes décisions en amont, explique Clémence Knaébel, directrice conseil innovation et développement durable de la filiale de Publicis. Par exemple, ajouter une minute de chat avec une IA générative pour choisir un film pourrait accroître de 40% l’empreinte d’un service de streaming. »
Des leviers techniques et l’indispensable formation des collaborateurs
Outre sa finalité, de nombreux leviers existent pour limiter l’impact de l’IA. Des techniques logicielles permettent de baisser la consommation énergétique tout en conservant quasiment la même qualité de réponse : réduire la précision des informations stockées ; supprimer des parties de réseaux de neurones inutiles ; transférer une partie de la connaissance des plus gros modèles vers des plus petits ; éviter de mobiliser systématiquement toute la connaissance du modèle.
Dans le déploiement, traiter plusieurs demandes en même temps ou utiliser des logiciels d’optimisation automatique pour éviter les tâches redondantes. La programmation adaptative permet d’utiliser l’IA au moment où l’énergie est la moins chère et la moins carbonée.
Au niveau du matériel et des infrastructures de calcul, les cartes graphiques (GPU), les puces deviennent de plus ne plus efficaces. Le PUE (Power Usage Effectiveness) des data centers s’améliore aussi, grâce à des systèmes de refroidissement plus performants et de l’optimisation énergétique en temps réel.
Bien qu’elles ne soient aujourd’hui que 14% à le faire selon une étude Accenture, « Une entreprise peut faire le choix de calculer l’empreinte environnementale de son utilisation de l’IA, et il ne faut pas opposer sobriété et performance », affirme Julien Fanon, directeur exécutif en charge de l’activité RSE d’Accenture.
Mais pour celà, il faudrait généraliser l’usage d’indicateurs qui les aide à choisir des prestataires plus sobres et de normaliser les contrats. D’autant plus que la transparence sur l’impact environnemental n’est pas vraiment de mise chez les prestataires.
L’importance (encore et toujours) de la formation
Que ce soit pour y recourir à bon escient ou pour l’utiliser à moindre coût énergétique, la formation des collaborateurs à l’IA est indispensable. Ces derniers doivent notamment être conscients que la machine peu faire des erreurs, et s’abstenir de pratiquer le « shadow IA ».
Cette habitude de plus en plus répandue conduit des salariés à utiliser des outils grand public plutôt que ceux développés par l’entreprise. Or ces derniers, s’ils sont entraînés sur leurs propres données pour des usages plus spécifiques, sont à la fois plus performants et plus efficaces sur le plan énergétique.
« Les différents modèles d’IA sont plus ou moins bien adaptés à différents usages, et il faut faire cohabiter plusieurs modèles pour obtenir à la fois la meilleure performance et l’impact environnemental le plus limité », témoigne Julien Fanon.
Sans compter que le « shadow IA » peut exposer des données sensibles de l’entreprise et accroître le risque de cyber-attaques.
Les entreprises investissent trois fois moins dans la formation à l’IA que dans la technologie
Pourtant, les entreprises investissent trois fois moins dans la formation à l’IA que dans la technologie. Ce qui ne signifie pas que les entreprises ne font rien. Chez Veolia, un « Observatoire des impacts IA » a été créé pour anticiper les transformations, accompagner les équipes et les former.
Les entreprises réunies au sein d’Impact AI ont également des programmes de formation, et l’association ambitionne de former un million de salariés en 2026 grâce aux cafés de l’IA responsable qu’elle vient d’annoncer.
Avant l’entrée dans la vie active, à l’instar des Arts et Métiers, de nombreuses écoles d’ingénieurs placent l’IA et la transformation au cœur de leur enseignement. Mais c’est plus tôt encore qu’il faudrait éduquer les jeunes à l’IA.
En effet, l’usage récréatif, qui n’a aucun impact positif sur la transition, connaît aujourd’hui un développement exponentiel, nettement plus rapide que dans les entreprises.
Lire aussi sur The Good notre enquête sur la face sombre de l’IA.